Risques climatiques
S’adapter, anticiper, défendre et soutenir
François Garrivier, vice-président de la FDSEA de la Loire, et Pierre-Henri Pomport, membre du bureau de JA Loire, s’expriment sur le travail conduit par leur réseau syndical face aux risques climatiques et sur l’évolution du climat.
Comment JA et FDSEA travaillent à l’anticipation des risques climatiques dans la Loire ?
François Garrivier : « Vis-à-vis de la sécheresse, elle passe par plusieurs actions sur le stockage de l’eau. Nous menons, par exemple, un travail d’adaptation de la réglementation pour la rendre cohérente et pragmatique, alors qu’elle est parfois incohérente et idéologique. C’est un dossier prégnant sur la Loire car des ouvrages de stockage sont possibles. Nous devons faciliter la mise en œuvre du stockage de l’eau sur département.
Le réseau FDSEA-JA est aussi présent au sein du Comité ressource en eau, qui se réunit en temps de crise. C’est un moment important d’échanges avec les autres usagers de l’eau et l’administration, mais aussi de prise de position pour le secteur agricole. Nous faisons valoir une bonne utilisation de l’eau et l’importance de l’irrigation en période estivale, y compris quand l’eau devient plus rare. En période de restriction, il faut limiter l’impact et maintenir l’irrigation le plus longtemps possible.
De plus, nous travaillons avec nos partenaires territoriaux pour avoir des solutions d’accompagnement financier pour développer des outils d’adaptation au changement climatiques. Ce travail est porté par les responsables FDSEA-JA auprès des collectivités comme le Conseil départemental ou encore le Conseil régional. »
Pierre-Henri Pomport : « Dans le cadre d'une étude HMUC (Analyses Hydrologie-milieux-usages-climat) réalisée par la Chambre d’agriculture de la Loire sur les besoins en eau de l'agriculture ligérienne à horizon 2050, nous avons participé à des groupes de travail. Elle souligne l'importance de quantifier les besoins en eau au vu du changement climatique tout en prenant en compte l'évolution démographique du secteur agricole. Elle permet de mettre en évidence un besoin accru de la ressource en eau afin de garantir une autonomie fourragère territoriale avec, notamment, un transfert de fourrage entre plaine et coteaux qui restera primordiale pour maintenir des filières dans le territoire. En parallèle, on constate aussi une augmentation des rendements fourragers sur certains secteurs d'altitude à horizon 2050 avec la hausse des températures qui sera profitable. Cette étude pourra servir de base à des discussions avec les différentes administrations en vue de soutenir la place de l'agriculture comme usagers prioritaire de l'eau à l'avenir.
D’autre part, dans le cadre de l’attribution de la Dotation jeune agriculteur (DJA), tous les dossiers des porteurs de projet sont étudiés en Comité d’étude de projet (CEP). Lors de cette commission, une attention particulière est accordée par les représentants de la FDSEA et de JA à la cohérence des moyens de production au regard du changement climatique : l’autonomie fourragère est-elle assurée ? un système d’irrigation est-il prévu pour les productions sont sensibles à la sécheresse (maraichage notamment) ? Si tel n’est pas le cas, nous pouvons demander une révision de l’étude. »
Comment JA et FNSEA accompagnent le réseau pendant les crises ?
F.G. : « En période de crise, le réseau FDSEA-JA est présent, avec la Chambre d’agriculture, pour évaluer les besoins alimentaires des troupeaux et rechercher des sources d’approvisionnement en foin, paille ou maïs. C’est de la gestion de crise en tant que telle, que nous sommes les seuls à porter dans la Loire de manière collective. Nous apportons aussi notre soutien auprès des agriculteurs adhérents pour les accompagner de la meilleure façon possible pour les difficultés dans ces moments compliqués. Apparaissent des situations problématiques que nous devons gérer au jour le jour, comme pour l’épandage des effluents après les épisodes pluvieux de ces dernières semaines pour que les agriculteurs concernés ne soient pas pénalisés. Nous sommes également au travail pour trouver du soutien financier auprès de toutes les strates de l’Etat : Etat, Région, Département. »
P-H. P. : « Que ce soient les acteurs économiques (usages industriels, commerciaux, artisanaux et agricoles) ou les acteurs non économiques (particuliers, collectivités territoriales, touristes), la ressource est convoitée en cas de crise. Notre rôle, en tant que représentants de la FDSEA et de JA Loire, est de rappeler la nécessité de l’irrigation et de l’abreuvement au regard de la souveraineté alimentaire. Sans notre argumentation technique et notre présence lors des comités ressource en eau en période de crise hydrique, il est clair que la situation agricole départementale serait très défavorablement impactée. En effet, nous défendons une irrigation du début à la fin du cycle de production des plantes irriguées (maïs, …). D’autre part, en cas de restriction inévitable décidée par les services de l’Etat, nous demandons des adaptations individuelles pour permettre une irrigation au cas par cas, en faisant appel au bon sens de chacun. Enfin, en tant que représentants de syndicat, nous travaillons, en lien avec les services de l’Etat et la Chambre d’Agriculture, à l’amélioration continue de l’arrêté cadre sécheresse, afin de garantir son évolution en fonction des différents retours d’expérience. »
Quelle est la position syndicale sur ce dossier climatique ?
F. G. : « Le dispositif assurantiel a pris la suite du dossier calamité. Nous avons acté ce changement de gestion de crise. Le système a des limites que l’on dénonce, comme la reconnaissance des zones impactées par la sécheresse via les données satellitaires. Nous menons un travail pour que les résultats soient plus cohérents et travaillons avec les services de l’Etat et les assurances pour faire évoluer cette mesure, qui ne répond pas aux enjeux d’un département d’élevage comme le nôtre. Nous proposons des mesures correctives via la prise en compte de bilan fourrager et d’observations de terrain. Jusqu’à aujourd’hui, le réchauffement climatique a été essentiellement envisagé sous l’angle de l’impact sur le système fourrager en élevage. 2024 montre que le changement climatique doit aussi être envisagé sur l’aspect sanitaire, que ce soit sur les effets sur l’animal ou sur le végétal. Veille sanitaire, accompagnement éleveur, etc… nous devons inciter les services de l’Etat à être plus performants. »
P-H. P. : « En tant que représentants de syndicats FDSEA et JA, nous assurons la promotion des dispositifs d’accompagnement au changement climatique dans nos newsletters et lors de nos formations, assemblées de réseau... A titre d’exemple, nous organisons, en début d’année 2025, une formation sur la mise en place de l’abreuvement. Nous présentons régulièrement les dispositifs d’accompagnement à la création de forages, de récupération des eaux pluviales, … »
Gestion concertée des calamités agricoles et de la ressource en eau
La FDSEA, les JA et la Chambre d’agriculture travaillent ensemble en matière de gestion des calamités agricoles. Ces six dernières années, les élus et les conseillers de la chambre consulaire ont accompagné l’ensemble des procédures en lien avec les calamités agricoles et les conséquences d’événements naturels impactant défavorablement les productions agricoles : mission d’expertise terrains, bilans fourragers, apport d’éléments techniques pour le montage des dossiers avec les services de la DDT (Direction départementale des territoires), participation aux réunions de négociation, communication auprès des agriculteurs et accompagnement pour la constitution de dossiers.
Sur la période 2019-2023, 5 698 dossiers ligériens ont été traités dans le cadre des calamités agricoles : 226 pour le gel, 201 pour la grêle, 5 246 pour la sécheresse, 2 pour l’orage et 23 pour la neige de printemps, pour un montant total de 23 511 107 euros.
Préserver la ressource en eau
Le travail collaboratif entre les trois structures a aussi porté sur la préservation de la ressource en eau. La Chambre d’agriculture a participé aux discussions concernant le nouvel arrêté cadre sécheresse, négocié à partir de 2020 et signé en 2023.
Elle a aussi été moteur dans l’élaboration du protocole-cadre et du plan d’action « Adaptation au changement climatique » en 2023 avec des actions spécifiques sur l’eau concernant les productions animales et végétales. L’ensemble des signataires a pris acte d’un changement climatique avéré qui impacte toutes les exploitations de la Loire. Les solutions mises en œuvre sont l’optimisation de la conduite du troupeau et des fourrages, ainsi qu’une meilleure efficacité au travail. Il en ressort que la politique de l’eau doit être revue au niveau local pour assurer l’abreuvement des animaux indépendamment des réseaux d’eau potable et la production de fourrages nécessaires aux élevages.
Ce travail a conduit la Chambre d’agriculture à mettre en place un réseau de suivi d'irrigants avec pour objectif une gestion économe de l’eau, une journée de formation dédiée dans le parcours des candidats à l’installation, un outil de calcul rapide des volumes d'eau de pluie récupérable, une estimation obligatoire de la ressource en eau lors de créations ou développement d’exploitation, des suivis de parcelles en maraichage diversifié et en arboriculture pour ajuster les préconisations.
La chambre consulaire accompagne les agriculteurs dans la création de retenues collinaires (individuelles ou collectives). Dix projets ont abouti sur la période 2019-2023. 41 accompagnements sont en cours (visites préalable, notice d’impact), dont des projets collectifs structurants (Jarez, plaine du Forez…). En 2023, la Chambre d’agriculture a réalisé une étude agricole dans le cadre d’une étude HMUC sur le périmètre du Sage Loire en Rhône-Alpes. Ce travail a permis de chiffer les besoins en eau à horizon 2050.