Récit de famille
Le comice et les Dosson, une longue histoire
« Une deuxième maison » pour Pierre, « une seconde famille » pour sa fille Florence. Voici comment ces Dosson perçoivent le comice agricole de Feurs. Le lien entre cette famille et cet événement annuel remonte à plusieurs générations. Qu’en est-il pour les suivantes ?
La famille Dosson a un lien indéfectible avec le comice de Feurs. Dans le bureau de l’association, un petit cadre traine au fond d’un tiroir. Sur fond vert, la photo d’un taureau charolais de 1 160 kg ayant obtenu un prix d’honneur en 1927 et 1929. Ce mâle appartenait à Simon Dosson, éleveur à Montrond-les-Bains, à la Ferme du Port. Né en 1897, il est le fils de Claude. Ce même Simon a « sauvé » le comice après la Seconde guerre mondiale en emmenant de nombreux animaux, indique Pierre, président de l’association du comice de 1999 à 2023, qui est quant à lui issu de la lignée de Jean Dosson, le frère de Claude.
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Le père de Pierre Dosson, Robert, est devenu agriculteur en 1952, sur une ferme des bords de Loire, à la limite entre Nervieux et Mizérieux. « Il était producteur de lait comme Jean Pacaud, Pierre Villard ou encore Antoine Grange. Je me souviens d’une vache de la famille, Libellule, qui produisait 7 000 kg de lait. » La première cularde est arrivée dans l’élevage familial en 1958, en plus de la cinquantaine de vaches laitières. En deux ans, elles ont été remplacées par des vaches charolaises inscrites au Herd book charolais (HBC). Quelques culardes étaient aussi engraissées par Robert.
Le père et l’oncle
Ce dernier est devenu membre de l’association du comice en 1958, lorsqu’il y a exposé pour la première fois. Il a ensuite été commissaire général du comice jusqu’en 1999. En 1959, il a obtenu son premier prix d’honneur, le premier d’une série de sept (jusqu’en 1965). Progressivement, l’élevage s’est spécialisé dans la génétique et la vente de reproducteurs, signant l’abandon de l’engraissement de culardes en 1970. Pierre avait été une des chevilles ouvrières de la création de l’Ajec Loire (Association des jeunes éleveurs de charolais) en 1973. La brucellose a mis à mal l’élevage en 1975. « Il nous a ensuite été difficile de repartir et de rattraper le retard. » L’inscription au HBC a cessé en 1981. A la retraite de son père en 1984, Pierre Dosson s’est retrouvé à la tête de 35 vaches allaitantes et de 100 ha de cultures, dont 15 ha de betteraves sucrières et quelques hectares d’oignons. Finalement, Pierre a régulièrement exposé les animaux de son père au comice, mais jamais les siens, mis à part une cularde née chez lui.
De son côté, Jean Dosson, l’oncle de Pierre, le frère de Robert, a participé pour la première fois au comice avec des animaux en 1947. Il a été vice-président de l’association de 1960 à 1989, puis jusqu’en 1999.
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A son tour, Pierre a intégré le bureau de l’association en 1982, plutôt « à contre cœur » au début, avoue-t-il. « J’étais déjà président du syndicat agricole de Mizérieux. J’ai ensuite été président de la section céréales de la FDSEA en 1984. Je n’étais pas du tout impliqué dans le comice, mais mon oncle tenait à ce qu’un Dosson intègre le bureau », rapporte-il. Avant de poursuivre : « Dans les années 1980, le conseil d’administration était composé de personnalités, avec peu d’éleveurs. Le comité était restreint. » Un commissaire général, son père en l’occurrence, gérait les concours. Un autre avait en charge l’administratif.
Pierre, président et grand-père
Le 4 janvier 1999 représente une date importante pour la famille Dosson : il s’agit du jour où Jean a fait savoir à Pierre qu’il souhaitait quitter la présidence de l’association et lui confier ; c’est aussi le jour où Pierre est devenu grand-père avec la naissance des jumelles, Marine et Camille, les filles de Florence, sa fille aînée.
« Mon oncle m’a expliqué qu’il organiserait le comice 1999 et qu’il céderait sa place ensuite. Il m’a missionné pour reconstituer une équipe car il avait convenu avec les autres membres du bureau qu’ils partiraient en même temps. » Pierre s’est alors retrouvé à gérer les inscriptions du concours 1999, « pour voir comment cela se passait ». Puis, dans le courant de l’année, il s’est entouré d’une équipe. Chacun des membres avait été choisi pour une mission bien spécifique. C’est cette logique qu’il a suivie pendant toute sa présidence. « Il faut apprendre à connaître les personnes et déceler leurs compétences pour leur proposer le bon poste. La plupart des personnes qui ont été ou qui sont au conseil d’administration ne sont pas entrées au hasard. »
La fille
En 2000, Pierre a sollicité Florence pour qu’elle aide à servir au bar. Ses filles avaient un an. « J’ai dit oui tout de suite », se souvient Florence. Depuis, elle n’a jamais quitté l’association. « Le bar est un lieu où l’on rencontre les éleveurs, où l’on sympathise avec eux. J’ai plaisir à les y retrouver, échanger avec eux et prendre des nouvelles de leur famille. » Et d’ajouter : « En fait, je ne pourrais pas m’en passer. C’est presque devenu une famille. » Progressivement, Florence Dosson a pris des responsabilités au sein de l’association ; elle en est désormais la trésorière adjointe.
Marine et Camille, ses filles, se souviennent l’avoir aidée à la maison les jours précédant le comice : préparer les menus pour le repas du jury, les cahiers pour les comptes de la buvette, la monnaie ou encore les carnets de facture.
Les petites-filles
Manon, leur cousine, étudiante à Lyon, a apporté sa contribution au bon déroulement du comice l’an passé. Elle était présente à La ferme aux enfants pour accueillir les visiteurs. « J’adore les animaux, mon grand-père le sait. Il m’a donc demandé d’aider. Tout s’est très bien passé. J’ai pu constater que les enfants étaient ravis d’approcher les animaux. Ce week-end-là, j’ai eu l’occasion de retrouver des personnes que je n’avais pas vues depuis longtemps. »
Camille avoue que si elle était sollicitée pour aider au comice, elle aurait du mal à choisir. « Je pense quand même que j’accepterais, même si j’ai l’habitude d’aller sur la foire-exposition avec des copains. Nous faisons toujours un petit tour dans les écuries pour voir les animaux. » « Maintenant que je suis grande, j’aimerais bien aider au comice, lâche Marine, sans prévenir, aux membres de la famille réunis ce samedi matin de février pour l’interview. Je serais prête à franchir le pas si on me le proposait. J’aimerais bien intégrer l’association. »
Les souvenirs d’enfance reviennent alors chez les petites-filles de Pierre. Les jumelles se rappellent qu’elles passaient le week-end chez leur grand-mère à Mizérieux, mais aussi qu’elles se rendaient au comice avec elle. « Mamie avait un passe-droit pour entrer dans les écuries, raconte Camille. C’était la femme du président ! On allait faire un bisou à papi et à maman. » « C’était tellement excitant, poursuit Marine. C’était l’occasion de voir notre famille et de faire un bisou à maman. C’était long sans elle. »
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« Enfant, je savais que mon grand-père était le président du comice et que mon autre grand-père y était aussi car il est membre de l’association », rapporte à son tour Manon, née en 2003. Elle avoue avoir peu de souvenirs du comice. Ses parents ont ensuite quitté la région en 2011, pour y revenir en 2022. « Nous savions forcément à quel moment avait lieu le comice. Le week-end, nous en parlions avec mes parents, en pensant à la famille qui y était, mais nous ne revenions pas pour l’occasion. » Elle poursuit : « Par contre, même à distance, je me suis bien rendue compte que mon grand-père y pensait tous les jours de l’année. » Alors qu’elle raconte que, en famille, « le comice revenait souvent dans la conversation », Pierre se défend d’avoir abordé lui-même le sujet : « Je ne voulais pas vous embêter avec ça ! » « C’est nous qui posions des questions, rétorque alors Manon. Rassure-toi, nous n’en avons jamais pâti… » « Nous sommes fières de ce que tu as fait », insiste alors Camille.
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« Je ne me rappelle pas que je parlais du comice avec mon grand-père, sauf le mois précédent le comice, explique à son tour Florence. Par contre, je me souviens quand mon père avait une réunion du comice, il prévenait qu’ils se retrouvaient dans un restaurant. » Pierre confirme : « Il n’y avait pas de salle de réunion dans les écuries. » Sa fille poursuit : « Je pense être allée chaque année au comice, c’est un rendez-vous incontournable de la plaine du Forez. J’ai souvenir de me rendre à la remise des prix le lundi après l’école, mais aussi dans les écuries le week-end faire un bisou à mon grand-père et mon père. »
Lucie Grolleau Frécon