Limiter l'érosion pour cultiver le potentiel des sols

La météo actuelle, avec une pluviométrie plus qu'abondante, a fait du thème de la journée dédiée au sol un sujet d'actualité : cultivons le potentiel de nos sols – limitons l'érosion. « Est-ce le changement climatique ?, difficile à dire... » intervenait Nicolas Charretier, membre du bureau de la Chambre d'agriculture de la Loire, en guise d'introduction de l'après-midi. Selon lui, « soit les agriculteurs subissent, soit ils s'adaptent en mettant en place de nouvelles pratiques ». C'est ce qu'ont fait des agriculteurs des monts du Lyonnais. « Tout est parti d'une initiative locale, précisait Frédéric Reymond, président du Comité de développement agricole des monts du Lyonnais. Des agriculteurs ont initié une formation sur la conservation des sols. Puis, Ludovic Angénieux et Raphaël Louison ont mis en place des expérimentations sur leur exploitation », accompagnés par le Comité de développement et la Chambre d'agriculture de la Loire : « Ils ont ensuite souhaité partager les résultats. »
D'où la mise en place de la journée dédiée au sol. La matinée était à destination des jeunes des établissements scolaires agricoles du département et l'après-midi des agriculteurs. Les participants ont été répartis en cinq groupes, qui sont passés d'atelier en atelier pour aborder différentes thématiques. Le but de cette journée n'était pas d'apporter des solutions toutes faites, mais de faire part d'expériences et de donner des pistes aux agriculteurs pour qu'ils adaptent des pratiques à leur propre exploitation. Cet événement a mis en évidence que pour maitriser et lutter contre l'érosion, deux axes sont à suivre : faire évoluer les pratiques culturales et créer des aménagements.
Ludovic Angénieux, chez qui se déroulait la journée dédiée au sol, est directement concerné par l'érosion sur certaines de ses parcelles. Il souhaite la limiter en réduisant le travail du sol et en réaménageant ses parcelles. En 2017, il a semé, en dérobé, de l'avoine et de la vesce, pâturée à l'automne. Fin novembre, il a ensuite semé du méteil, récolté en ensilage début mai. Après un apport de fumier, il a directement semé du maïs. Il a déjà pu constater que l'érosion a été limitée en ne labourant pas avant le semis du maïs.
Des couverts en interculture
Sur son exploitation, Raphaël Louison (Gaec des Plagnes à Cuzieu) a pour objectif de rallonger les rotations des cultures en utilisant des couverts en interculture qui travaillent le sol grâce à différentes profondeurs d'enracinement et qui limitent les adventices et le recours aux produits phytosanitaires grâce à une couverture permanente du sol. Cet hiver, il a testé cinq mélanges de couverts. L'expérimentation a permis de comparer la levée, la couverture du sol, la résistance au gel l'hiver, la reprise de végétation en fin d'hiver, la biomasse moyenne et l'azote absorbée.
Les agriculteurs ont réintégré les couverts végétaux dans les rotations pour répondre à la réglementation de la Pac. Finalement, d'autres bienfaits ont été constatés. Ainsi, Marie-Françoise Fabre, technicienne à la Chambre d'agriculture de la Loire, expliquait qu'en fonction des objectifs que l'agriculteur se fixe, il n'utilisera pas le même type de couvert :
- restitution d'azote : mélange de légumineuses (avoine/vesce, moutarde/trèfle, méteils protéagineux) qui permet de diminuer la fertilisation sur la culture suivante et d'éviter les fuites d'azote en hiver ;
- structure et vie du sol : différents systèmes racinaires (un pivotant, un fasciculé) ont un impact favorable sur la structure du sol ;
- biodiversité : les mélanges dits « chasseurs » ou « apicole » favorisent la faune, ont une croissance rapide et assurent une bonne couverture du sol ;
- fourrage : couverts avec une forte biomasse et appétence (moha, sorgho fourrager, ray grass italien, trèfle violet) s'implantent rapidement et ont une bonne valeur alimentaire selon les mélanges ;
- réglementaire : les Cultures intermédiaires pièges à nitrates (moutarde, colza) sont faciles à implanter et se développent rapidement.
Le type de couvert est à réfléchir en fonction de la culture qui sera ensuite implantée : il peut avoir un effet positif ou à l'inverse présenter certains risques (parasitisme, destruction tardive, mauvais désherbage, etc.). Une fois le mélange choisi, il convient de déterminer les doses de semis : le plus simple est de diviser la dose de semis « en pure » de chaque espèce en fonction du pourcentage voulu dans le mélange. Le sol doit être bien préparé pour faciliter l'enracinement des plantes. Le semis doit être pratiqué avec le matériel présent sur la ferme (ou la Cuma) tout en recherchant un semis le plus direct possible.
Prairies sous couvert de céréales
Bertrand Escot (Gaec Ferme coq lait à Saint-Héand) a fait part de son expérience en matière de semis de prairie sous couvert de céréales. En 2015, il a commencé à implanter un mélange de prairie multi-espèces fin mars dans une orge semée fin octobre. Progressivement, l'itinéraire technique et les mélanges se sont affinés. Dernièrement, c'est dans du méteil (blé/féverole, orge/pois) que la prairie multi-espèces a été implantée. La céréale a été moissonnée, avec une coupe haute. La prairie et le reste de paille ont été enrubannés trois semaines après la moisson, constituant « un joli mélange, que les animaux n'ont pas trié ». La prairie a été pâturée à l'automne et ensilée au printemps suivant. « Mon repère pour semer la prairie est les 400° à partir du 1er janvier, expliquait Bertrand Escot. Je me rends compte que c'est de plus en plus difficile d'implanter une prairie à l'automne en raison du sec. »
« Un agriculteur qui veut garder une prairie plusieurs années doit de préférence utiliser des mélanges d'espèces qui mettent du temps à s'implanter, intervenait Pierre Vergiat, technicien à la Chambre d'agriculture de la Loire. D'où l'intérêt de les implanter au printemps sous couvert de céréales. » De plus, pour favoriser la réussite de la prairie, le technicien conseille de semer les graines dans les premiers centimètres du sol. Ainsi, il a été démontré que le semis de prairie sous couvert de céréales sécurise l'implantation de la prairie et garantit une première coupe satisfaisante. Mais il assure aussi une couverture du sol limitant l'érosion et favorisant la vie du sol.
Pour compléter les témoignages des agriculteurs, la Fédération départementale des Cuma proposait un atelier sur le machinisme et avait sollicité la Cuma des 4 saisons (Haute-Rivoire, 69) pour exposer son semoir pour semis direct et simplifié (marque Simtech) de tout type de graines ou mélanges de graines : descente des graines par gravité dans trois rangées de dents semeuses (une partie robuste et une partie plus fine en bas de la dent pour plus d'efficacité), rouleau qui s'appuie sur l'inter-rang pour régler la profondeur de semis, chaines à l'arrière pour recouvrir légèrement de terre.
Aménagements pour maîtriser l'érosion
En matière d'aménagements pour maîtriser l'érosion, plusieurs solutions sont envisageables :
- les bandes enherbées qui permettent de protéger la surface des sols, d'améliorer l'infiltration de l'eau, de retenir la terre fine, de ralentir les ruissellements ;
- les haies, qui ont la même fonction que les bandes enherbées, mais de manière renforcée ;
- les fossés enherbés et les fossés à seuils pour évacuer des eaux pluviales concentrées vers un exutoire ;
- les fascines (fagots de branchages serrés et insérés entre des pieux) ralentissent les ruissellements et retiennent la terre fine.
Pour améliorer l'efficacité de ces ouvrages, il est possible de les associer, notamment en fonction de leur durée de vie. Par exemple, l'efficacité maximale de la fascine est estimée à cinq ans. Ce laps de temps permet à la haie de se développer et de prendre le relais. Les aménagements peuvent être raisonnés à l'échelle d'un bassin versant. Jean-Pascal Mure, technicien à la Chambre d'agriculture de l'Isère, spécialiste de l'érosion, a pris l'exemple d'une réflexion conduite dans son département, alliant des bandes enherbées, des haies et des fossés. Les quantités de terre transportées et des volumes d'eau à l'exutoire ont été réduites de 5 à 20 % (estimation). Le livret distribué mardi et plusieurs autres documents (guide des couverts végétaux, analyse de sols, techniques culturales simplifiées, matériels) sont à retrouver sur le site internet de la Chambre d'agriculture de la Loire.
Lucie Grolleau Frécon
Structure du sol: observer pour constater l'impact des pratiques et agir
L'observation du sol fournit diverses informations (structure, enracinement, vie biologique, etc.) qui sont le reflet des pratiques culturales et qui peuvent guider l'agriculteur sur les conduites à tenir. Plusieurs outils sont à la disposition des agriculteurs pour observer la structure de leurs sols selon leurs objectifs et leurs moyens. Le « test bêche » permet d'observer rapidement la structure superficielle (0 à 30 cm), le profil « transpalette » jusqu'à 70 cm pour observer facilement la structure et l'enracinement, le profil pédagogique jusqu'à 1 mètre pour faire un diagnostic complet du sol.Le profil « transpalette » doit ainsi être réalisé : rapprocher les deux palettes du chargeur (20 à 30 cm d'écartement) ; enfoncer complètement les palettes dans le sol avec un angle de 30 à 45° ; lever légèrement sans à-coup puis redresser les palettes pour éviter l'effondrement du bloc ; lever le chargeur à la hauteur souhaitée pour l'observation ; rebasculer le bloc à l'horizontale.Flore Saint-André, technicienne à la Chambre d'agriculture de la Loire, a commenté le profil de sol réalisé le jour même par Ludovic Angénieux, donnant ainsi quelques indications aux agriculteurs pour les aider à étudier eux-mêmes leurs sols. Il est intéressant de réaliser un profil de sol après un chantier ayant potentiellement un impact sur la structure du sol, au printemps pour observer la structure du sol, pendant l'interculture pour décider du travail du sol à mettre en œuvre. A noter que l'activité des lombrics étant accrue en mars-avril et à l'automne, il est conseillé de réaliser le profil à ces périodes si l'objectif est d'observer la vie biologique. Il ne faut pas oublier que les vers de terre ont un rôle sur la structuration, la stabilité et la porosité du sol, sur la décomposition de la matière organique.