« Jamais je n’aurai imaginé être un jour président de la Fête du lait »
A 12 ans, Jean-Baptiste Pardon présentait pour la première fois dans le ring une vache au concours départemental de races laitières. C’était en 2004. Il n’imaginait pas un jour devenir président d’une telle manifestation. C’est pourtant la mission qu’il a acceptée il y a un peu plus d’un an. Portrait.

Jean-Baptiste Pardon ose imaginer que la Fête du lait 2025 suscitera des vocations d’agriculteurs chez des enfants ou des adolescents qui seront dans le ring avec des animaux ou autour, en tant que visiteurs. Et pourquoi pas des envies d’engagement dans des associations... Car c’est bien sa passion pour l’élevage et les concours chevillée au corps, mêlée son goût pour l’investissement dans des collectifs d’agriculteurs qui l’ont conduit à la présidence du comité de pilotage de la Fête du lait. Elle se déroulera les 13 et 14 septembre prochains à Fourneaux, dont le clocher et le site de la manifestation sont visibles de sa stabulation. Un signe ?
Jean-Baptiste Pardon a grandi sur l’exploitation familiale de Chirassimont. « J’ai eu la “fibre animale“ tout petit. Je n’aimais pas spécialement le tracteur ; j’étais plus attiré par les animaux, et notamment les veaux laitiers. La ferme a toujours eu un double troupeau - vaches laitières et vaches allaitantes. » Il se souvient : « Quand je revenais de l’école primaire, je préférais aller à la ferme plutôt que faire mes devoirs. Je voulais toujours savoir s’il y avait eu des naissances. » Lorsqu’il était collégien, son père lui laissait faire le planning d’accouplement avec le technicien. « J’ai toujours aimé ce qui a trait à la procréation : la naissance, les généalogies. »
Le jeune homme est entré au lycée de Ressins en classe de seconde. Il y a poursuivi son parcours scolaire en préparant un Bac Stav et un BTS Productions animales. « J’ai toujours su que je deviendrais éleveur à plus ou moins long terme, mais j’avais la volonté de pratiquer un autre métier avant de m’installer. Mes parents m’y ont également encouragé. J’estime que c’est dommage de s’installer à 20 ans. »
En classe de BTS PA, Jean-Baptiste a été stagiaire à Montbéliarde association. « J’ai ensuite eu l’opportunité de devenir technicien de race sur la zone Elitest (coopérative d’insémination, NDLR) en Alsace et Lorraine. C’était une très bonne expérience. A 20 ans, partir vivre à 400 km de chez soi apprend à devenir autonome, assure-t-il. J’ai évolué au sein d’une super équipe. J’étais responsable génétique des races Montbéliarde et Vosgienne, mais aussi détaché pour m’occuper de l’organisation d’Eurogénétique », manifestation organisée par la coopérative. La création de génétique lui a vraiment plu. « J’ai aussi eu l’opportunité de découvrir de nombreux systèmes d’élevage et de visiter une grande diversité de bâtiments. Il y avait des structures avant-gardistes, mais aussi de petites fermes avec des Vosgiennes qui fonctionnaient très bien. »
« Revenir à mes racines »
Même à 400 km, Jean-Baptiste reste connecté à l’activité de la ferme familiale. « Je téléphonais plusieurs fois par semaine et je revenais régulièrement. » Il a mis fin à ses missions de technicien pour s’installer en mai 2017. « Lorsque mon oncle a pris sa retraite, la question de mon installation s’est concrètement posée. J’aurai bien voulu continuer à travailler où j’étais, mais j’ai senti que c’était le bon moment de revenir à mes racines. » Sa compagne Marion, rencontrée dans le grand-Est, l’a suivi dans la Loire : elle a travaillé à Coopel comme inséminatrice avant d’elle-même s’installer en 2020 sur la ferme de la famille Pardon.
Au sein du Gaec des Champs, le couple est associé avec Olivier, un cousin, installé en 1998. La structure emploie un apprenti. « Un Gaec présente des avantages, comme le partage des prises de décision ou les possibilités de se remplacer, même si chacun a ses missions et ses responsabilités. » La société a investi dans un nouveau bâtiment pour loger les vaches laitières et un robot de traite, mis en service en 2022. Les nouvelles installations, qui offrent une vue plongeante sur le clocher de Fourneaux et le site de la futures Fête du lait, « nous ont permis d’augmenter la production laitière », qui est de 680 000 litres par an. « Nous trayons en moyenne 60 vaches, mais nous en faisons vêler 80. Nous élevons les génisses et nous les vendons après le vêlage. » Le Gaec fait également naitre 85 veaux charolais chaque année.
L’exploitation compte 215 ha, répartis sur deux sites, l’un à Chirassimont, l’autre à Saint-Symphorien-de-Lay. L’assolement est composé de 15 ha de maïs, 50 ha de prairies temporaires et le reste en prairies naturelles. « Notre système est basé sur l’herbe. Notre objectif est de faire perdurer l’exploitation dans le temps et de la faire avancer. Nous avons toujours de nouveaux projets. »
S’impliquer pour le collectif
Jean-Baptiste se souvient parfaitement du premier concours où il a présenté une vache : c’était au départemental de La Talaudière en 2004. « J’avais 12 ans, c’était avec Opérette. J’avais poussé mon père à l’inscrire, je l’avais choisie et je m’étais occupé de sa préparation », raconte-t-il avec des étoiles dans les yeux.
Entre 2004 et 2017, il y a eu de nombreuses autres compétitions, dans la Loire et au-delà. « Mon père et mon oncle m’ont de plus en plus laissé la main. » Il se souvient plus spécifiquement de l’édition 2017 du Salon de l’agriculture. « Nous présentions Idéale, la mère de Régale qui y participait en mars dernier. Elle avait obtenu un premier prix de section et celui de meilleure mamelle. Cela m’a marqué car c’était l’année de mon installation. »
Le jeune homme s’est rapidement engagé pour la profession. Il a été sollicité pour être administrateur de l’association des éleveurs montbéliards de la Loire. Dans la foulée, il a intégré l’Adpel (Association départementale pour la promotion de l’élevage laitier) pour en devenir le trésorier. « J’ai accepté ces missions car j’ai toujours eu envie de m’impliquer pour le collectif afin de faire avancer l’élevage du département. J’aime présenter des vaches aux concours et j’estime que c’est important que des personnes se chargent de leur organisation. Je n’aime pas m’ennuyer et j’ai toujours 10 000 idées en tête. »
Ce parcours l’a probablement conduit à devenir, à 32 ans, responsable de la Fête du lait 2025, « Je savais qu’il reviendrait à notre territoire d’organiser tôt ou tard cet événement. En amont de l’édition 2023 à Saint-Héand, les éleveurs du coin ont tenu une réunion pour organiser collectivement le transport. Nous avions évoqué l’idée de porter la prochaine sur notre secteur. Tout le monde était partant. » Après en avoir échangé avec les responsables du comité de développement, tout s’est enchainé. Les réunions se sont multipliées pour impliquer un maximum de personnes. Plusieurs sites pour implanter l’événement ont été visités. Finalement, Fourneaux a fait l’unanimité en raison des terrains à proximité de la salle des fêtes. « Nous savons que c’est un village dynamique et nous avons reçu un bon accueil de la part de la municipalité. »
Une fois le site choisi, les principales responsabilités ont été distribuées. « Un leader pour chaque commission a été trouvé et les autres personnes se sont engagées dans l’une d’elle. » Hervé Lornage a en charge le budget, Nicolas Gouttenoire l’aménagement du site, Gilles Pizay la restauration et Françoise Dumas la communication et l’animation.
Après plusieurs réunions où personne ne voulait de la présidence, Jean-Baptiste Pardon s’est dévoué. « Je me suis dit que si nous voulions avancer, il fallait que quelqu’un accepte la mission. J’en avais un peu discuté auparavant avec Marion et mon cousin. J’ai signé, même si je savais qu’il y aurait des répercussions sur la ferme et sur la famille. Nous comptons sur l’apprenti pour nous épauler et nous avons trouvé une salarié à temps aprtiel pour remplacer Marion qui sera prochainement en congé maternité. » La naissance de leur deuxième enfant est prévue en juillet. Ils sont déjà parents d’un garçon de trois ans et demi.
Une équipe motivée
Pour Jean-Baptiste Pardon, « le président doit endosser le rôle de leader et faire le lien entre les responsables des commissions. C’est lui qui anime les comités de pilotage. Nous en tenons un toutes les six semaines environ. Ils servent à prendre les décisions importantes et à fixer les objectifs pour la réunion suivante. Le président a aussi un rôle de représentation et de lien avec l’Adpel, qui s’occupe du concours de vaches laitières. » Mais surtout, le jeune agriculteur sait qu’il peut compter sur une équipe motivée, sans laquelle il ne se serait jamais engagé.
Les organisateurs de la Fête du lait de Saint-Héand ont été rencontrés au début de l’année 2024 (lire ici). « Ils ont vraiment joué le jeu pour nous transmettre toutes les informations nécessaires. Chaque responsable de commission de 2023 avait fait le déplacement et a pu échanger directement avec son homologue de Fourneaux sur les réussites et les points de vigilance. »
La Fête du lait 2025 constitue un événement départemental, mais aussi local. « Nous tenons à ce qu’elle soit rassembleuse : les agriculteurs mais aussi les associations. »
Sa raison d’être est toujours le concours départemental de vaches laitières, auquel seront adossés un concours pour la race Limousine et un pour l’Aubrac. Diverses animations viendront s’y greffer : labyrinthe de maïs, ferme pédagogique, démonstration de dressage de chiens de troupeau, rodéo-machine ou encore des jeux gonflables…
Même si les organisateurs vont tout faire pour que la manifestation se prépare et se déroule dans de bonnes conditions, « il y aura forcément des imprévus, admet Jean-Baptiste. Plus on pourra les déceler tôt, le mieux ce sera. La pression fait aussi partie du jeu et j’ai confiance en l’équipe, qui saura être soudée ». Jean-Baptiste ne cache pas ses deux craintes : le sanitaire, avec les règles vis-à-vis de la FCO et de la MHE, et la météo.
L’agriculteur assure savoir gérer la pression, mais avoue qu’il lui est encore compliqué d’imaginer les jours qui précéderont l’événement. « Je suis de nature optimiste, donc ça va le faire… » Et d’ajouter : « Je serai satisfait d’avoir pu fédérer des personnes autour de ce projet, qui doit contribuer à faire rayonner l’agriculture. Nous habitons dans des villages ruraux, mais de moins en moins d’habitants connaissent réellement nos activités. Pour moi, la fête sera réussie si nous parvenons à faire venir de nombreux visiteurs pour leur faire connaitre nos réalités. »