« Chaque journal départemental conserve ses spécificités »
Les journaux départementaux de la région partagent un certain nombre d’articles proposés par une agence de presse régionale : l’Apasec. Mais d’où vient-elle ? Quel est son rôle ? Qu’apporte-t-elle à Paysans de la Loire ? Alors le journal fête ses 80 ans, nous avons demandé des réponses à son ancien directeur, Serge Berra.

Si un média doit évoluer avec son temps, Paysans de la Loire n’a pas attendu son 80e anniversaire pour s’adapter. Attentif aux demandes de ses lecteurs, l’hebdomadaire a très tôt collaboré avec une agence de presse agricole régionale : l’Apasec. Pour Serge Berra, qui a dirigé la structure pendant 27 ans, les liens entre journaux départementaux et structure régionale sont forts. « Dans la région Rhône-Alpes, élargie en comptant la Saône-et-Loire et le Jura, les contacts se sont faits très tôt. L’Apasec a été pensée par François Dubanchet qui a dirigé la Chambre d’agriculture de la Loire (mais en a aussi été l’un des sénateurs et maire de Saint-Étienne), Georges Terrier (Ain) et René Chappet (Saône-et-Loire). Tous les trois étaient de fervents militants des organisations départementales, adversaires de l’union du Sud-Est », explique-t-il.
Cette rivalité politco-religieuse s’inscrit donc dans la genèse de l’agence régionale. « L’Union du Sud-Est possédait son propre magazine qui s’appelait L’agriculteur du Sud-Est. Il était issu d’un courant de pensée incarné par la rue d’Athènes qui regroupait les propriétaires fonciers, très conservateur et lié à l’Église catholique... A l’inverse, dans les départements, on était plutôt de l’obédience du boulevard Saint-Germain, représenté par des notables laïques et des bourgeois. De nombreux journaux départementaux ont été créés par ces derniers pour qu’ils puissent opposer leur propre titre à l’Union du Sud-Est », relate Serge Berra.
Finalement lancée en 1953, l’Apasec s’impose très tôt comme un acteur majeur du paysage médiatique agricole de la région, répondant aux besoins spécifiques des journaux départementaux. « L’agence a mis en place des pages communes dans tous les titres, mutualisant ainsi leurs contenus tout en respectant leur spécificité locale », poursuit celui qui s’est d’abord engagé dans la presse agricole de l’Ain. En effet, l’Apasec a organisé un système de coopération entre les journaux agricoles départementaux, leur permettant de partager chaque semaine une quinzaine de pages. Elles sont alimentées par des articles, des reportages et des informations locales pertinentes, qui peuvent être reprises, ou non. « Cela a permis une grande diversité qui enrichit la presse régionale tout en offrant aux journaux départementaux des contenus variés, à moindre coût », assure Serge Berra.
Un modèle de mutualisation
À l’ère d’Internet, Serge Berra reste préoccupé par l’avenir de la presse agricole, qui peine à s’adapter à la déferlante numérique. Il estime que pour survivre, les journaux départementaux devront continuer à mutualiser certaines de leurs actions : « Chaque journal départemental conserve son identité, mais il est essentiel de partager certaines ressources pour faire face aux coûts et à la concurrence d’Internet », note-t-il.
Pour lui, cette mutualisation doit aller au-delà des frontières régionales et pourrait même, à terme, s’étendre au niveau national. « Il y a un véritable intérêt à échanger et à enrichir les contenus produits localement. Le défi aujourd’hui, c’est de proposer des informations utiles, techniques et innovantes, qui apportent une réelle valeur ajoutée aux lecteurs », explique-t-il. Malgré tout, et loin s’en faut, l’homme ne prône pas une uniformisation totale et souligne l’importance du lien de proximité que les titres entretiennent avec leurs lecteurs. « Cet ancrage local reste fondamental. Les agriculteurs ont besoin de repères, et leur hebdomadaire doit leur offrir des solutions concrètes pour leur quotidien », précise-t-il.
Aujourd’hui, malgré les nombreuses évolutions, l’unité de la presse agricole semble toujours fragile. Les défis sont nombreux, entre les difficultés économiques, la montée de la presse en ligne et la nécessité de répondre aux attentes d’un public de plus en plus jeune et connecté. Mais Serge Berra reste optimiste. « La presse papier demeure essentielle, tant qu’elle sait se renouveler et s’adapter aux besoins de ses lecteurs », conclut-il.
La SARL nait en 1956 pour gérer Paysans de la Loire

Au milieu des années 1950, les responsables professionnels de la FDSEA décident de créer une structure à part entière pour administrer le journal Paysans de la Loire. Lors de l’assemblée générale du 28 mars 1956, un nouvel article est adopté dans les statuts du syndicat, lui permettant « de participer à la constitution de sociétés ou d’adhérer à toute société à objet agricole et notamment ayant pour but l’édition de journaux, bulletins, publications dont l’objet et la diffusion d’informations générales et agricoles ».
Puis, lors de la session de la Chambre d’agriculture de la Loire du 5 mai 1956, les élus prennent connaissance du projet de création d’une structure dédiée au journal et valident la délibération. « La Chambre d’agriculture adopte le projet, ainsi que le projet d’acte constitutif », peut-on lire dans l’extrait certifié conforme du 25 août 1956, signé du président Pierre Collet. « Elle charge son président de poursuivre toutes démarches en vue de hâter la mise sur pied de cette société, de provoquer toutes réunions qu’il jugera opportunes, de s’entourer de tous les conseils en vue d’élaborer le règlement intérieur de la société qui permettent de donner au journal une base juridique indiscutable. » Une approbation est demandée au ministre de l’Agriculture en vue de participer à la constitution de cette société de gestion du journal.
Celle-ci prend la forme d’une SARL (Société à responsabilité limitée) et ses statuts sont enregistrés au greffe du tribunal de commerce de Saint-Etienne le 7 septembre 1956. L’exploitation de la société a officiellement commencé le 1er septembre 1956 pour une durée de 90 ans. Son objet est « la fondation, la publication et l’exploitation de tous journaux agricoles quotidiens ou périodiques ou non, et l’acquisition et l’exploitation de tous journaux et de tout ce qui se rapporte à l’édition au sens le plus général ». François Dubanchet en est le gérant. Son siège social est à Saint-Etienne, 8 place de l’Hôtel de Ville. Il sera ensuite situé à Saint-Priest-en-Jarez (43 avenue Albert Raimond) à partir d’avril 1981, période où des organisations agricoles se regroupent à la Cité de l’agriculture.
Des actionnaires historiques
Les structures agricoles se mettent d’accord sur un capital initial de 60 000 francs, dont les actions sont ainsi réparties : 5/12e pour la Fédération des syndicats agricoles, 5/12e pour la Chambre d’agriculture, 2/12e pour les autres organisations agricoles (au départ la Mutualité sociale et le Crédit agricole). Au fur et à mesure que d’autres organismes souhaitent entrer dans la société, le capital est augmenté pour que la répartition soit : 1/3 pour la fédération, 1/3 pour la Chambre d’agriculture, 1/3 pour les autres organisations agricoles.
La dernière mise à jour des statuts remonte au 27 avril 2000. Le capital, actuellement de 24 000 euros, se répartit entre la FDSEA, la caisse régionale du Crédit agricole Loire Haute-Loire, la Chambre d’agriculture, la MSA, Groupama, la Fédération départementale des coopératives agricoles et Jeunes agriculteurs.
Lucie Grolleau-Frécon