Événement
Comment le Foreztival s’est enraciné dans les champs de Trelins

La 18e édition du Foreztival aura lieu du 2 au 4 août à Trelins. Alors que les champs qui accueilleront l’événement ont entamé leur transformation, retour sur son histoire à travers la relation entre ses organisateurs et les agriculteurs qui mettent des terres à leur disposition.

Comment le Foreztival s’est enraciné dans les champs de Trelins
Une partie du site (parking et camping) qui accueille le Foreztival avant et pendant l’événement. / © Foreztival

Les 2, 3 et 4 août, des dizaines de milliers de spectateurs convergeront vers Trelins à l’occasion du 18e Foreztival. Il y a toutefois déjà de l’animation sur les quelque 30 hectares de prés à fourrage et de champs de culture mis à disposition par une demi-douzaine d’agriculteurs locaux. Les terres qui accueilleront les scènes, le parking (environ 5 000 voitures par soir) et le camping (8 000 à 9 000 campeurs en moyenne) entament effectivement leur mue deux semaines avant les premiers concerts, une fois les cultures récoltées. Même si cela n’a pas été sans stress cette année compte tenu des conditions climatiques, la mécanique est aujourd’hui bien rodée. Ce qui n’avait rien d’évident à l’origine.

Retour en arrière. Au début des années 2000, quelques enfants du territoire se mettent en tête de créer un événement culturel qui rassemblerait 2 000 à 3 000 personnes. « Ce n’était pas une opération facile, au départ », se souvient Pierre Durris, maire du village de 1977 à 2008. Il rencontre le Club des jeunes à l’origine du projet et les invite à le présenter aux conseillers municipaux : « Certains n’étaient pas pour. Des habitants pensaient que les festivaliers allaient voler, créer des problèmes… »

Décidé à soutenir l’initiative, l’élu consulte son fils, habitué à participer à des festivals. « Il m’a assuré qu’il y régnait une bonne ambiance. Il n’y a d’ailleurs jamais eu d’histoire à déplorer depuis la première édition en 2005 », souligne celui qui considère le Foreztival comme l’un de ses meilleurs souvenirs de maire. « Les jeunes étaient très motivés, c’était un plaisir de les aider », ajoute celui qui va faire partie des chevilles ouvrières avec son adjoint à la culture Gilles Pascal et René Couturier, un agriculteur aujourd’hui retraité.

Des réticences au départ

Ils vont pleinement jouer le rôle d’intermédiaires. D’abord en conseillant un rapprochement avec l’Apij (Association pour l’intercommunalité des jeunes), établie à Boën-sur-Lignon. D’accord pour héberger un parking, René Couturier a ensuite mouillé la chemise pour décider ses collègues. « Cela n’a pas été simple et certains refusent encore aujourd’hui, précise celui qui a un temps siégé au conseil municipal. Ils redoutaient l’insécurité, le bruit, les déchets dans les prés, les conséquences sur les animaux… Malgré quelques réticences, dues principalement à de la méconnaissance, ils ont répondu positivement. Il faut dire qu’ils connaissaient la plupart des jeunes à la manœuvre, cela aide. »


Vous aimez Paysans de la Loire ? Abonnez-vous pour soutenir notre travail


« Sans René, pas sûr que les autres auraient suivi… Certaines craintes étaient compréhensives, d’autant que l’on n’était pas forcément exemplaires les premières années », reconnaît Laure Pardon, directrice de FZL, l’association organisatrice du Foreztival, qui a rejoint l’aventure en tant que bénévole en 2006. Au-delà de l’expérience acquise progressivement, la solution est, comme souvent, passée par le dialogue. « Il a fallu mettre de l’huile dans les rouages, glisse Pierre Durris. Outre les agriculteurs, nous avons par exemple conseillé de convier aussi les habitants du hameau le plus proche, qui est impacté par le Foreztival, et de remettre ces invitations en mains propres pour pouvoir discuter et créer des liens. »

Décompactage des sols

« Sans les agriculteurs, notre évènement ne peut pas exister, souligne Laure Pardon. Aller à leur rencontre nous a permis de comprendre leurs craintes. » Dès 2009, les premières conventions cadrent la relation entre les deux parties. Avec notamment l’engagement à rendre les terrains propres sous un mois, sous peine de dire adieu à la caution déposée en mairie. Depuis 2018, les organisateurs financent également le décompactage des sols, fortement tassés après trois jours de fête. Une requête sympathiquement formulée, acceptée car « légitime » et désormais intégrée au budget.

« On est implanté sur l’outil de travail de personnes qui nous font confiance, contextualise Laure Pardon. La question ne se posait pas les premières années, mais entre le nombre de festivaliers présents désormais et le changement climatique qui impacte les sols… » « Cela me permet de récupérer des terrains nickel début septembre et de pouvoir semer quelques semaines plus tard », souligne l’un des agriculteurs qui met des parcelles à disposition. Il loue plus largement la qualité des échanges. Selon lui, tout s’est toujours bien passé et il n’a jamais eu besoin de réclamer que ce qui devait être fait le soit, « ce qui est très agréable ».

Pour schématiser, les deux parties se rencontrent une fois par saison. « À la sortie de l’été afin de dresser un bilan et connaître les parcelles qui seront disponibles pour l’édition suivante car ce sont toujours les mêmes pour la scène, mais elles changent pour les parkings ; l’hiver pour signer les conventions ; au printemps pour des questions pratiques », résume Alexia Charollois. La chargée de production chez FZL souligne les bons liens qui existent, fruit de relations patiemment construites : « On collabore avec une diversité d’acteurs : agriculteurs, chauffeurs, prestataires, etc. Tous sont différents et c’est à nous d’apprendre à les connaître, de nous adapter à leur rythme de travail quand on veut les rencontrer. »

Une contrepartie financière « anecdotique »

La location des terres comprend une contrepartie financière, qui alimente certains fantasmes. Comme souvent en France, l’aspect pécunier reste tabou et toutes les personnes questionnées sur ce point ont d’ailleurs préféré ne pas donner de chiffre. « Certains pensent qu’on est millionnaire grâce à cela », s’amuse l’un des agriculteurs concernés. Tout juste consent-il à dire que la somme qu’il perçoit est « anecdotique » : « Le but, pour moi, n’est pas de faire de l’argent. Quelle fierté d’avoir un événement local qui bouge ! Quand on nous invite et qu’on voit tout ce monde, c’est super. J’irai encore cette année, bien sûr. »

Au moment de son installation, il était inconcevable pour lui de rompre l’engagement pris par son prédécesseur. Alors que ce n’est pas sans contraintes pour son activité : « Les cultures devant être moissonnées avant le Foreztival, il faut partir sur des céréales plutôt que sur du maïs. Je ne peux pas faire la rotation que j’aimerais, mais la survie de mon exploitation ne dépend pas de ces quelques hectares. »

« Utopie et travail »

Avoir vu le Foreztival gagner ses lettres de noblesse le rend très heureux. Une réussite qui rend fières plus largement toutes les personnes rencontrées pour cet article. René Couturier reconnaît même qu’il ne s’attendait pas à ce que le festival prenne une telle ampleur. Évoquant l’amateurisme de départ, il raconte cette deuxième partie de soirée où il a dû aller voir des voisins pour qu’ils libèrent un parc à mouton inoccupé afin d’aménager des stationnements supplémentaires. « Il fallait en passer par là avant de se structurer et de pérenniser cet événement. C’est quelque chose d’exceptionnel, une belle aventure, menée par des “pointures” », applaudit-il.

Pierre Durris confirme, citant plusieurs éléments-moteur qui ont fait carrière dans cet univers : « Nous avons aidé aux semis et à la plantation en donnant un coup de main pour installer et nettoyer, mais le Foreztival a beaucoup prospéré depuis, s’est professionnalisé. » Établissant un parallèle avec le village qu’il a administré, l’ancien maire de Trelins rappelle qu’il y avait tout à faire. « Cela exigeait une part d’utopie et beaucoup de travail, mais c’était un challenge passionnant, assure celui qui a particulièrement apprécié d’être invité l’an dernier avec ses deux successeurs, Jean-Paul Ravel et Alexandre Palmier. Sur le plan humain, c’est quelque chose à vivre… Je suis fier pour ces jeunes et pour nous, on n’a pas mis du temps et de l’énergie pour rien. » Rendez-vous ce week-end pour en avoir un nouvel aperçu.

Franck Talluto


Lire aussi : Évadez-vous entre Forez et Lyonnais


 

Zoom sur...

La programmation 2024

Fin mai, les organisateurs du Foreztival ont pris un coup sur la tête. Le groupe stéphanois Dub Inc, l’une des têtes d’affiche de la 18e édition (2, 3 et 4 août), a dû renoncer pour raisons de santé d’un de ses membres. FZL, l’association qui pilote l’événement, a vite réagi en annonçant la venue du duo de guitaristes mexicains Rodrigo y Gabriela et de deux « mythiques groupes de reggae » : The Congos et The Gladiators. Ils rejoignent les nombreux artistes présents, parmi lesquels la Fonky family, Jain, PLK, Zaho de Sagazan, Pomme ou encore Étienne de Crécy. La billetterie se poursuit via le site de l'événement, sur lequel on peut également réserver sa place dans les navettes reliant Trelins à Montbrison.