Actuellement, les Français disposent de 202 millions d’appareils de gros électroménager (15 millions d’appareils sont vendus chaque année en France) et 374 millions de petits appareils (46 millions vendus). Cependant, ce marché en vogue a un impact néfaste sur notre planète, notamment en raison de l’obsolescence programmée.

Ménagez vos appareils 
D’après l’Ademe, un appareil sur deux rapporté au SAV souffre seulement d’un problème d’entretien, on monte même à 60 % pour le gros électroménager.

Véritable fléau du XXIe siècle, moteur de la surproduction qui conduit à la surconsommation, l’obsolescence programmée est définie par la loi française comme « l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement ». Elle est considérée comme un délit et punie par la loi depuis 2015. D’après une théorie de 1932 de l’agent immobilier américain Bernard London, l’obsolescence programmée a pour but de dynamiser un modèle économique en perte de vitesse. En jouant à la fois sur la production et la consommation, elle permet la croissance économique.

Le triptyque de l’obsolescence

L’obsolescence programmée repose sur trois points : 
- l’obsolescence technique : lorsqu’un composant a une durée de vie limitée et est non réparable ou quand une pièce de rechange n’est plus fabriquée (la disponibilité des pièces détachées est comprise entre trois et dix ans suivant les marques) ;
- l’obsolescence esthétique, aussi appelée culturelle ou psychologique : c’est lorsqu’une entreprise propose à intervalle réduit des produits vendus comme plus performants par les publicités ; c’est l’effet de « démodage » ;
- l’obsolescence logicielle : elle intervient lors de mises à jour de logiciels et d’applications qui rendent incompatibles les différentes versions d’un même logiciel ou d’une même application. Par exemple, un jeu plus compatible avec les ordinateurs actuels.

L’obsolescence programmée est également néfaste pour l’environnement. Elle épuise les ressources planétaires à cause du nombre de composants requis pour fabriquer les différents appareils électroménagers. La demande en équipement high-tech ne cesse d’augmenter. Il faut plus de 70 composants, dont certains sont fabriqués à partir de métaux rares et nécessitent une grande quantité d’énergie, pour construire un smartphone. Cela provoque une exploitation intense des matières premières et participe au changement climatique (pour trouver des métaux de plus en plus profonds, les extraire, les transporter…), à la destruction de terres fertiles, à la diminution de la biodiversité.

L’entretien : le grand oublié

D’après l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), un appareil sur deux rapporté au service après-vente souffre seulement d’un problème d’entretien, on monte même à 60 % pour le gros électroménager. Les trois causes principales de panne sont les filtres ou tuyaux bouchés, l’entartrage et les grilles de ventilation obstruées. Alors, comment éviter de remplacer son électroménager pour de simples soucis d’entretien et, de ce fait, contribuer à l’augmentation de l’empreinte sur la planète de ses appareils ?

Différents gestes sont à adopter : nettoyer et vider les filtres, détartrer tous les trois mois à l’aide de vinaigre blanc bouilli dans l’eau ou des produits recommandés par les fabricants, nettoyer l’appareil, par exemple chaque compartiment du réfrigérateur. Enfin, l’Ademe recommande « trois règles d’or » à appliquer : 
- lire les notices d’utilisation (mode d’emploi, dosage, entretien) ;
- utiliser ses équipements dans de bonnes conditions (éviter les sources de chaleur ou les risques de projection d’eau) ;
- suivre les conseils et tutoriels en ligne pour entretenir et réparer ses appareils.

Selon une étude menée en 2012, 45 % des Français (parmi les foyers interrogés) ayant connu une panne hors ou sous garantie avec leur gros électroménager l’ont remplacé, tandis que 26 % des consommateurs dont l’appareil est tombé en panne l’ont fait réparer et 19 % l’ont réparé eux-mêmes. Selon cette étude, les consommateurs ont le sentiment que, par rapport à la génération de leurs parents, les appareils de gros électroménagers sont moins fiables aujourd’hui.

Les freins à la réparation d’appareils électroménager sont principalement économiques : avec la baisse des prix des appareils électroménagers ces dernières années, principalement sur les gros appareils, le rachat d’un appareil neuf est souvent privilégié, le consommateur considérant que la réparation ne doit pas coûter plus de 30 à 40 % du prix du neuf.

Une logique à retrouver

Combattre l’obsolescence programmée implique un changement de modèle économique, selon l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP). Il reposerait sur une production de biens neufs limitée, locale, qualitative et surtout écologique. Il ferait émerger de nouveaux emplois dans le secteur de la réparation et des services. Pour HOP, les premières victimes de ce phénomène sont les ménages aux revenus les plus modestes, car ils achètent des équipements de mauvaises qualités qui doivent être renouvelés plus rapidement. Pour réduire l’impact sur l’environnement des appareils électro-ménagers, des solutions existent mais doivent être mises en avant et encouragées (réparations, recyclage, seconde main, etc.).

L’Ademe propose cinq conseils :
- ne pas renouveler trop souvent ses équipements, quand ceux-ci sont encore en état de fonctionner ;
- n’acheter que le nécessaire, pas besoin d’être suréquipé ;
- choisir des appareils adaptés (pas besoin d’un écran de télé démesuré !) ;
- prendre en compte les étiquettes énergie pour acheter des biens plus durables ;
- réparer plutôt que jeter.

A une époque où la sur-consommation est la norme, l’application de ces cinq conseils est un véritable carrefour pour notre planète. Olivier de Montlivault, président directeur général de SOS Accessoire, l’affirme : « Ces gestes du quotidien font partie des réflexes à adopter pour préserver notre planète. Il faut également cesser de croire que ces quelques gestes isolés ne servent à rien. Cette idée persistante qu’agir à son échelle ne changera pas grand-chose incite à ne rien faire. Or, chaque petit geste compte et c’est la masse de ces actions individuelles qui forceront les institutions et entreprises à agir dans le bon sens. »

Thomas Ribeyron

Ressusciter les machines  

Quand on pense empreinte écologique (1) deux sujets reviennent souvent sur la table : le transport (véhicules polluants) et l’alimentation (nourriture qui voyage, élevage intensif), mais les appareils électroménagers ne sont pas en reste. Notre consommation en la matière de ces appareils a beaucoup augmenté ces dernières années en raison de l’obsolescence programmée et du changement de consommation des ménages. Pour limiter les conséquences, un changement de comportement des consommateurs est nécessaire : favoriser la location, l’échange, la récupération ou encore la réparation. D’après l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), chaque année environ 20 kg d’équipements électriques sont jetés par chaque Français. Un certain nombre pourrait être réparé ou mieux entretenu. Certains tentent de combattre ce phénomène en redoublant d’efforts et d’idées.

Deux associations, deux méthodes

A Riorges, un café a ouvert ses portes en 2019. Son nom, Repair café, un phénomène mondial. Le principe est simple :les visiteurs amènent leurs appareils en panne (radiateurs, balances, aspirateurs…) et les membres de l’association Un temps pour un autre se chargent de les réparer. Maurice Dessaux, à l’origine du projet, précise : « Attention, il n’est pas ici question de déposer son électroménager en panne et de le récupérer lorsqu’il est remis en état de fonctionnement. Le visiteur assiste à la réparation. Ce qui peut être formateur pour les personnes. » Bernard, un des huit réparateurs bénévoles, argumente : « C’est intéressant parce que c’est valorisant, c’est du lien social. Et puis quatre heures par mois, ce n’est pas non plus le bout du monde. »

Maurice Dessaux détaille : « On ne paie que le prix des pièces, en ajoutant si on le souhaite une petite contribution. » Pour lui, il y a plusieurs objectifs. Le premier est « social en mettant en rapport des gens qui peuvent être isolés. Il y a également un petit objectif économique. Le troisième objectif est écologique. La devise de Repair café est “rien ne se jette, tout se répare”. Le matériel est soit remis en état de marche, soit utilisé pour les pièces de rechange ». Le local était ouvert à tous chaque deuxième samedi du mois avant la crise sanitaire et devrait, selon M. Dessaux, « rouvrir samedi 11 septembre. Les bénévoles ont hâte de recommencer ».

En moyenne ce sont entre 15 et 20 visiteurs qui affluent chaque deuxième samedi du mois à Riorges. Un véritable succès qui prouve que certaines personnes sont concernées par l’empreinte écologique ou simplement dans une logique moins consommatrice. L’idée du Repair café est née à Amsterdam, en 2009, à l’initiative de Martine Postma. En 2010, elle a créé la Fondation Repair café. Elle soutient des groupes locaux dans le monde entier qui veulent démarrer leur propre Repair Café, à l’instar de celui de Riorges.

L’association Envie Loire, présente dans la Loire depuis 1993, possède deux magasins, un à Saint-Etienne et un à Roanne. Elle a choisi de rénover les appareils électroménagers tout en étant une entreprise d’insertion avec des objectifs sociaux, économiques et environnementaux. En 2020, ce sont pratiquement 3 000 appareils électroménagers qui ont été rénovés grâce aux 42 salariés, dont 24 en insertion socio-professionnelle. L’association récupère les appareils usagés auprès de grandes surfaces et de magasins spécialisés. Ensuite, elle les répare puis les revend sous garantie. Depuis 1993, Envie Loire a rénové 67 792 appareils, un nombre en constante évolution.

T. R.

(1) Empreinte écologique : déchets visibles dans l’environnement (ordures ménagères, emballages), utilisation de l’eau, de l’électricité, ainsi que l’émission en CO2.