Loire
« Tout le monde peut devenir Sentinelle, mais tout le monde n’est pas fait pour »
Gérard Gallot est Sentinelle depuis juin 2023 mais du fait de son parcours d’ancien président de la FDSEA de la Loire a régulièrement été sollicité pour accompagner des cas difficiles.
La réunion des Sentinelles organisée par la MSA était une grande première. Pourquoi était-ce important ?
Gérard Gallot : « C’est effectivement très important. La formation, c’est très bien, mais nous avons besoin d’accompagnement, de suivi. En fonction des situations rencontrées, cela nous permet de débriefer et d’entendre un ou plusieurs autres vécus, d’évacuer certaines choses que nous ne pouvons plus garder pour nous. Nous vivons des situations difficiles et pouvoir échanger collectivement ou avec des professionnels permet aussi de prendre le recul nécessaire. »
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La formation est-elle nécessaire dans le parcours d’une Sentinelle ?
G.G. : « Il y a un avant et un après. La formation nous apprend comment réagir, à poser les bonnes questions qui sont parfois difficiles, à savoir transmettre aux bonnes personnes les situations que nous rencontrons, particulièrement au 3114 ou aux assistantes sociales de la MSA. »
Humainement, comment gère-t-on une situation suicidaire lorsqu’on y est confronté ?
G.G. : « Chacun le fait à sa manière. De mon côté, j’essaie d’échanger le plus possible avec mes collègues et avec les experts. Mon épouse est aussi sensibilisée à ces questions, nous pouvons en discuter. J’ai la chance d’avoir d’autres collègues agriculteurs avec qui en parler. C’est très important de ne pas garder pour soi car humainement, ce sont des moments très difficiles qui nous touchent. Les gens de confiance sont des personnes ressources, même si nous ne disons pas tout. Du fait de mon parcours je suis un peu ‘’connu’’ dans le monde agricole ce qui m’a permis de construire un réseau de confiance avec le temps. C’est plus difficile pour les jeunes. D’ailleurs, nous en comptons très peu dans le réseau Sentinelles. Il faudrait arriver à former de jeunes agriculteurs ou avoir des liens avec les JA. »
« Il faut rester humble et se rappeler qu’on ne sauvera pas tout le monde »
Gérard Gallot, ancien président de la FDSEA de la Loire et Sentinelle
Vous souvenez-vous de toutes les situations pour lesquelles vous êtes intervenu ?
G.G. : « On se souvient des cas marquants. J’ai la chance de ne pas avoir eu de situation qui ont fini de façon dramatique. Notre rôle est avant tout d’identifier le mal-être pour faire remonter les informations. Souvent, c’est le cas, mais il faut rester humble et se rappeler qu’on ne sauvera pas tout le monde. Nous devons voir ce qu’il se passe dans nos campagnes. La Chambre d’agriculture, la MSA, l’EDE, les banques ou d’autres structures peuvent aussi accompagner des décisions qui seront un tournant dans la vie d’un agriculteur, parfois jusqu’à une reconversion professionnelle. Mais ce sont des décisions qui se prennent sur plusieurs mois. »
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Quelles sont les qualités d’une Sentinelle ?
G.G. : « Avant tout, être à l’écoute. Savoir prendre du recul pour ne pas se mettre soi-même en difficulté psychologique. Si tout le monde peut devenir Sentinelle, tout le monde n’est pas fait pour. C’est une mission chronophage, qui demande beaucoup d’énergie. Nous accompagnons les situations difficiles plus ou moins loin en fonction de notre ressenti. Et surtout il ne faut pas rester seul : mêmes les personnes les plus fortes peuvent être touchées par les situations auxquelles elles sont confrontées. »
Propos recueillis par Alexandra Pacrot
En situation de danger, contacter le 3114 ou le 15