Les programmes agricoles des principaux partis sont désormais connus, bien qu’ils ne soient pas, pour l’instant, au cœur de la campagne. Si des lignes communes se dégagent, les lignes de fractures restent fortes sur la fiscalité, les pesticides, les accords de libre-échange ou le bien-être animal.
Pour les observateurs avisés des débats agricoles, les programmes agricoles de ces législatives 2024 ne recèleront pas de surprise. Et ils ne seront, a priori, pas au centre des débats publics. La faute certainement à une campagne éclair, les différents partis n’ont probablement pas eu le temps d’être inventifs, de consulter largement.
Le parti de la majorité présidentielle est le dernier à avoir présenté. Sa campagne a été lancée autour de six axes (sécurité, santé, pouvoir d’achat, épargne, laïcité, écologie), sans mentionner spécifiquement l’agriculture. Interrogé le 19 juin par Agra Presse, le coordinateur du programme « Ensemble pour la République », Rayan Nezzar, met finalement en avant trois mesures au titre du volet agricole.
D’abord l’application du calcul des retraites sur les 25 meilleures années (loi Dive) à compter du 1er janvier 2026, comme annoncé par Marc Fesneau lors du congrès de la FNSEA fin mars – « soit un gain de 100 € par mois pour près de la moitié des futurs retraités agricoles ». Ensuite « des prix plancher par filière », qui « entreront en vigueur à partir de 2025 », comme promis par le président de la République au Salon de l’agriculture. Troisième et dernière proposition : « continuer de réduire l’usage des pesticides de 50 % d’ici 2030 ».
Le sort de la LOA
Ce programme Ensemble ne mentionne pas spécifiquement la loi d’orientation agricole (LOA), mais elle en fait bien partie. Dans une allocution le 12 juin, le président de la République avait émis le souhait que l’examen de ce texte reprenne à l’issue du scrutin. « Pour beaucoup de nos compatriotes, le projet de fin de vie était attendu, le projet agricole était attendu, ou le congé de naissance », avait indiqué Emmanuel Macron, les jugeant « importants ».
Adopté fin mai à l’Assemblée, le texte devait être examiné le 24 juin au Sénat et son sort est entre les mains des Républicains (LR), majoritaires dans cet hémicycle, et grâce à qui le texte a pu être adopté à l’Assemblée, moyennant l’ajout de plusieurs mesures demandées par le syndicalisme majoritaire.
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Le programme des LR, lui, laisse un indice sur son sort. Dans une « lettre aux agriculteurs », le député de l’Aisne, Julien Dive, tête de file agricole du groupe LR à l’Assemblée, met en avant notamment cinq mesures dont trois sont incluses dans la LOA à la demande de députés LR. Ces mesures serviront de volet agricole du programme aux autres députés de son camp : « Redonner [aux agriculteurs] la maîtrise des prix en les indexant sur les coûts de production ; réautoriser en France certains produits utilisés en Europe, comme l’acétamipride ; réformer la fiscalité et la socialisation des bénéfices agricoles pour les aligner sur le régime de l’impôt sur les sociétés, car ce sont des bénéfices d’entreprise et non des revenus personnels ; supprimer les droits de succession. »
Du côté du Rassemblement national (RN), le programme semble plus succinct. Dans un court tract diffusé sur son site Internet, le RN met avant huit thématiques en vue des législatives, parmi lesquelles l’agriculture que le parti propose simplement de « soutenir ». Pour ce faire, il ne propose que deux mesures : « développer les circuits courts et lutter contre la concurrence déloyale », sans plus de détails. Le programme officiel sera-t-il plus fourni ? Probablement pas.
Interrogé par Agra Presse, Grégoire de Fournas, député de Gironde et référent du RN sur les questions agricoles, assure que son parti souhaite bien « des prix garantis aux producteurs qui couvrent les coûts de production, fixés par l’interprofession, ou l’État à défaut ». Mais pas dans l’immédiat. En matière de pesticides, le viticulteur est plus clair : « Nous allons en finir avec l’écologie punitive, en revenant sur les transpositions », promet-il. « Nous réautoriserons l’acétamipride, nous mettrons Ecophyto en pause : l’objectif de baisse de 50 %, tout comme les restrictions d’usage sur le glyphosate sont des surtranspositions ». En revanche, « nous garderons les recherches d’alternatives ».
Bloquer l’inflation et les « fermes-usines »
À l’opposé de l’échiquier, le programme du Nouveau Front populaire (NFP) est plus fourni. En matière d’alimentation, la mesure phare consiste à « bloquer les prix des biens de première nécessité dans l’alimentation » – et ce dès son éventuelle arrivée au pouvoir, a précisé le député LFI Manuel Bompard en conférence de presse. Cette mesure serait prise « par décret », précise le programme. « Ce serait le même mécanisme que celui qui existe déjà pour les départements d’outremer », explique la députée sortante Aurélie Trouvé (LFI), spécialiste des questions agricoles. Le code du commerce prévoit, en effet, la possibilité de déroger à la libre détermination des prix en cas de circonstances exceptionnelles. Le blocage des prix s’accompagnerait de mesures visant à « dissuader les superprofits ».
Le Nouveau Front populaire reprendrait les textes de loi défendus par les Insoumis et les écologistes à l’Assemblée ces derniers mois afin d’instaurer des prix plancher « rémunérateurs » pour les agriculteurs, tout en créant une taxe sur les « superprofits » des industriels et de la grande distribution. Concernant l’eau, le NFP propose un « moratoire sur les méga-bassines » et des « règles précises de partage de l’eau sur l’ensemble des activités ».
En matière de pesticides, le mouvement propose d’« interdire tous les polluants éternels (PFAS) pour toutes les utilisations », de « rétablir le plan Ecophyto », d’« interdire le glyphosate et les néonicotinoïdes avec accompagnement financier des paysans concernés », et de soutenir les agriculteurs bio en « reprenant leur dette dans une caisse nationale » et en « garanti [ssant] un débouché aux produits bio dans la restauration collective ».
En matière de commerce international, le NFP promet la généralisation des clauses miroirs, l’abrogation du Ceta et le renoncement à l’accord avec le Mercosur. En matière de bien-être animal, l’ambition est de « sortir des fermes-usines » et d’« interdire l’élevage en cages d’ici la fin de mandature ».
M. R. et J. G.