Compte de l'agriculture
Une mauvaise année agricole 2024 selon l’Insee

L’institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a rendu publiques le 12 décembre, ses premières estimations du compte prévisionnel de l’agriculture pour 2024. La production agricole chuterait de 7,5 %.

Une mauvaise année agricole 2024 selon l’Insee
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Ce n’est pas une surprise, c’est surtout une confirmation. Les comptes prévisionnels de l’agriculture diffusés par l’Insee sont, cette année encore, dans le rouge. Déjà l’an dernier, le résultat de la branche agricole (hors subventions) avait cédé -1,5 %  dans un contexte mondial de retombée des prix des céréales et des matières premières qui avaient fortement progressé en 2021 et 2022.

Erosion du cheptel

Cette année, la chute est plus accentuée, notamment en raison des conditions météorologiques qui ont pénalisé les cultures. La valeur de la production végétale est, selon les premières estimations, en recul de  -13,1 % « sous l’effet d’une diminution conjointe des prix (‑6,8 %) et des volumes (-6,8 %) », analysent les statisticiens. Ils viennent confirmer les premiers chiffres de leurs collègues d’Agreste (ministère de l’Agriculture) qui ont déjà pointé une réduction des volumes de -23 % sur le vin.


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Pour l’Insee, cette chute ne serait que de -20,5 %. L’Institut confirme les mauvaises récoltes en céréales : -27 % pour le blé tendre, -11,5 % pour les oléagineux et -22,4 % pour les protéagineux qui « diminueraient davantage encore sous l'effet supplémentaire de la réduction de la surface cultivée (-15,4 %) », précise l’étude de l’Insee. Si encore la chute de la production était compensée par la hausse des prix…

Cependant, à l’exception des fruits, légumes frais et du champagne, tous les autres cours ont chuté. « En 2024, les prix de la production (hors subventions) diminueraient pour les produits végétaux (‑6,8 %). En 2023, le prix des céréales avait chuté de 30 % en France, à la suite d’une récolte mondiale à un niveau record. Il baisserait encore de 4,9 % en 2024 », rapporte l’étude de l’Insee.

Le prix des fourrages chuterait de -34,6 % et la hausse des protéagineux (+16 %) serait loin de compenser les pertes en volume. Dans cet état des lieux morose, ressortent cependant quelques bonnes nouvelles, comme la baisse (trop lente) des charges : engrais, produits phytosanitaires, électricité… Les prix des engrais et amendements chutent également de 35,5 % après une explosion en 2022 et 2023. Le prix du gasoil non routier est également en baisse de 13,4 %.


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La hausse de certains cours comme celui des ovins et des bovins, mais au prix d’une érosion continue du cheptel, accentué par les crises sanitaires (MHE, FCO…). « Les prix des produits animaux avaient augmenté de 23,8 % en 2022 puis de 6,8 % en 2023 », rappellent les statisticiens. Au total, la valeur de la production agricole française ne devrait atteindre que 89,3 milliards d’euros, avec une baisse de la valeur ajoutée brute de -6,6 %  et une réduction de -7,4 % de la production au prix de base. En conséquence, le revenu des agriculteurs diminuera de manière mécanique. 

Crise profonde et durable

« La situation de certains agriculteurs, notamment les plus touchés par les intempéries ou les maladies vectorielles (FCO, MHE…), est alarmante et devient insoutenable », ont réagi la FNSEA et Jeunes Agriculteurs (JA) dans un communiqué commun. Les deux syndicats dénoncent aussi « le manque d’ambition politique à la fois pour favoriser la compétitivité des exploitations, notamment par le besoin de disposer des moyens de production adaptés, mais aussi pour rémunérer dignement les agriculteurs, ce qui impose de faire respecter les lois Égalim ».

La FNSEA et JA laissent cependant paraître une pointe d’optimisme en saluant la décision de la ministre (démissionnaire) de l’Agriculture, Annie Genevard, « la mise en œuvre concrètes des prêts de trésorerie bonifiés »*. De leur côté, les chambres d’agriculture s’inquiètent que l’agriculture française traverse « une crise profonde et durable ». « Nous sommes face à une crise structurelle dont l’issue nécessitera de mettre les moyens en adéquation avec l’ampleur des défis à relever. Avec un solde disponible de moins de 30 000 €, on ne peut pas demander aux agriculteurs d’investir dans les transitions. Il y a urgence à redonner de la compétitivité à nos exploitations », a déclaré Sébastien Windsor, président de Chambres d’Agriculture France dans un communiqué. 

Christophe Soulard
*Les agriculteurs qui ont perdu plus de 20 % de leur chiffre d’affaires cette année pourront ainsi emprunter un montant plafonné à 50 000 €, sur une durée de 2 à 3 ans, à un taux d’intérêt maximum de 1,50 % pour les jeunes installés, et de 1,75 % pour les autres grâce à un effort partagé par les banques et par l’Etat.