Mobilisations agricoles
Les feux de la colère se propagent à Saint-Étienne

Pour le troisième soir de mobilisation dans la Loire, les agriculteurs du sud du département se sont retrouvés devant la préfecture. 58 tracteurs et 200 manifestants sont venus crier leur colère sous les fenêtres de l’État pour dénoncer les possibles accords avec les pays du Mercosur. 

Les feux de la colère se propagent à Saint-Étienne
58 tracteurs et 200 manifestants se sont massés devant la préfecture de la Loire à Saint-Étienne ce mercredi 20 novembre pour dénoncer la signature d'un accord commercial avec les pays du Mercosur. ©ABP

« Il y a beaucoup de jeunes ce soir et on a le droit de vouloir leur donner un avenir ! » La voix de Jean-Luc Perrin, président de la FDSEA de la Loire a tonné longtemps dans la grand’rue ce mercredi soir à Saint-Étienne. Pour la troisième nuit d’affilée, les agriculteurs ligériens se sont rassemblés pour clamer d’une même voix leur colère face à un possible accord entre les pays du Mercosur et l’Union européenne. Un traité à l’encontre de tout « bon sens », qui fragiliserait une profession déjà mise à mal et usée par des années de revendications. 

Sur certaines fourches des 58 tracteurs présents, des panneaux expriment la détresse des paysans : « Agriculteur, enfant on en rêve ; adulte on en crève ! » ; « Pas de pays sans paysans » ; « Non au Mercosur ». Dans la foule des 200 manifestants présents, le traité, qui n’a pas encore été signé à l’heure où nous écrivons, est décrié, dénoncé. Les agriculteurs pointent une concurrence déloyale. « On va pousser les consommateurs à moins bien manger », crache un exploitant de la vallée du Gier. Si le canon effaroucheur tire des cris surpris aux quelques passants venus en soutien, les agriculteurs l’assurent, « ils veulent manifester dans le respect des biens et des personnes ». 


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Venu de Saint-Christo-en-Jarez où il est installé depuis 2020 avec son frère et son oncle, Julien Grataloup, président du canton Jeunes agriculteurs des monts du lyonnais, manifeste pour la deuxième fois en 2024. Le jeune homme se dit satisfait du cortège dans lequel il défile avec son tracteur. En passant le boulevard Thiers, il reconnaît que les agriculteurs du sud du département avaient un peu « la pression pour faire mieux que Roanne ou Montbrison. On va directement à la préfecture quand même... » Engagé chez JA Loire pour défendre ses droits, l’agriculteur, exploitant en vaches à viande et vaches laitières ne cache pas sa lassitude. « On a l’impression que les demandes du début d’année n’ont pas abouti. C’est frustrant. »

« L’agriculture ne peut plus attendre »

Une assertion que vient nuancer Jean-Luc Perrin à la tribune : « On a obtenu des choses, pas tout... Mais quand même. Et quand le travail avançait bien, le président de la République a fait le choix de dissoudre l’Assemblée nationale ! Il a fallu attendre quatre mois pour retrouver un gouvernement et encore trois mois jusqu’à aujourd’hui. Et monsieur le préfet, quatre mois plus trois mois, ça fait sept mois ! L’agriculture ne peut plus attendre ! Il faut des réponses sonnantes et trébuchantes dans nos fermes ! » Tollé d’applaudissements dans la foule. Le président de la FDSEA reprend, bonnet enfoncé jusqu’aux oreilles. Sa harangue vient lutter contre le froid et le grésil. Attentif, le préfet, Alexandre Rochatte, hoche la tête. « On ne demande pas un revenu qui tombe du ciel ou des aides. Nous voulons un revenu de production ! »

Alors que s’apaise la pluie, la colère des agriculteurs monte d’un cran. Jean-Luc Perrin rend un micro dysfonctionnel ; sa voix gronde alors qu’il aborde la question de la surtransposition des normes. « Faites-nous confiance ! On ne se lève pas le matin en se disant qu’on veut détruire la planète. Sur l’épandage par exemple, faites-nous confiance ! On connaît nos cultures, on sait quand elles peuvent supporter un apport de lisier ou de fumier ! » La foule bruisse, acquiesce. Les exigences revendiquées par les agriculteurs depuis l’an passé sont remises sur la table : respect de la dignité des agriculteurs, juste rémunération... Avec un point particulier sur la FCO. « Le sanitaire, c’est capital, tance le président de la FDSEA. Le FMSE (Fonds national de mutualisation du risque sanitaire et environnemental, ndlr) ne nous convient pas tout à fait. Il faut des apports de trésorerie immédiatement et ne pas attendre quinze à dix-huit mois ! Parce que d’ici là, certaines fermes ne pourront plus exister » 

Moins diplomate que son président, Maxime Brun, secrétaire général du syndicat majoritaire prend à son tour la parole. I tempête : « Le gouvernement n’a pas fait grand’chose ces sept dernières années ! On demande à ce qu’il se bouge maintenant ! » 

Un travail en bonne intelligence

Alexandre Rochatte ne moufte pas, il écoute concentré, la colère des agriculteurs massés face à lui. Lorsque vient son tour de s’exprimer, il avance d’un pas, accompagné par le directeur de la DDT, Sébastien Viennot. Le représentant de l’État avait donné sa parole qu’il rencontrerait la profession, l’engagement est tenu et les agriculteurs apprécient. « La position du gouvernement par rapport au Mercosur est très claire. Le président de la République l’a rappelé, il n’est pas question de signer cet accord en l’état. » L’homme s’avance ensuite sur le sujet sensible du projet de loi de finances qui « porte toutes les mesures annoncées, tant pour les retraites que pour les cotisations sociales et fiscales que pour le GNR ». 


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Le représentant de l’État reconnaît un travail en bonne intelligence avec les agriculteurs du département. « Localement, on travaille au mieux sur les BCAE 2, les retenues d’eau etc. L’idée c’est d’améliorer les choses au fur et à mesure. Nous allons déjà mettre en place le contrôle administratif unique dans les exploitations d’ici la fin d’année. Nous mettons en œuvre les politiques nationales avec une marge d’application locale. Vous parliez du calendrier d’épandage, c’est un exemple parmi de nombreux autres. » 

Lors de son discours, Jean-Luc Perrin a salué la nouvelle locataire de la place Beauveau, Annie Genevard. « Il y a longtemps que je n’avais pas entendu une ministre de l’Agriculture employer le mot ‘’production’’ ! Et c’est très important parce que si nous avons les moyens de produire en France, et qu’il faut nous laisser (gestion de l’eau, des produits phytosanitaires), nous n’aurons plus besoin d’importer ! » 

Pour l’heure, les feux de la colère sont maîtrisés. Mais la FDSEA et Jeunes agriculteurs Loire n’excluent pas qu’ils pourraient s’embraser dans les semaines à venir s’ils n’obtenaient pas de réponses... 

Alexandra Blanchard-Pacrot