David Duperray
« Profitons de cet hiver pour finir de vacciner l’ensemble des cheptels »

La Loire recense plus de 1 000 foyers de FCO (Fièvre catarrhale ovine) sérotype 8 depuis cet été dans les élevages ovins, bovins et même caprins, avec des cas cliniques plus ou moins graves et une mortalité pouvant atteindre 20 %. Le président du Groupement de défense sanitaire (GDS) insiste sur la nécessité de vacciner en masse d’ici l’hiver pour aborder plus sereinement 2025.

« Profitons de cet hiver pour finir de vacciner l’ensemble des cheptels »
David Duperray : « Eleveurs, prenez un moment pour échanger avec votre vétérinaire sur la stratégie vaccinale à mettre en place chez vous. Nous devons comprendre et accepter que le seul moyen de lutte efficace contre la FCO reste la vaccination. »©LGF

Quel est l’historique de la FCO (Fièvre catarrhale ovine) dans la Loire ?

David Duperray, président du GDS 42 : « La FCO est arrivée en France au milieu des années 2000. C’était une nouvelle maladie pour le continent européen, mais pas ailleurs dans le monde. A cette époque, l’Etat avait décidé de prendre en charge la vaccination et de la rendre obligatoire pour protéger les élevages français. Elle avait été massive pendant au moins deux hivers, puis les éleveurs ont été moins nombreux à la pratiquer. Probablement parce que la vaccination a trop bien fonctionné en réduisant fortement la pression virale et le nombre de cas cliniques. Ensuite, la profession et les éleveurs ont peut-être eu tort de gérer cette maladie avec une approche commerciale plus que sanitaire. La vaccination massive avait permis une immunité des troupeaux qui s’est estompée au fil des années, au fur et à mesure du renouvellement des animaux. En 2023, la FCO est réapparue en ayant un fort impact sur les troupeaux touchés. L’Aveyron a particulièrement été concerné, surtout les petits ruminants. Les pertes s’élèvent entre 10 et 20 % dans les troupeaux ovins. Par contre, les éleveurs ayant vacciné n’ont aucun problème. Un épidémiologiste m’a expliqué que la mutation du virus est la cause des cas cliniques graves et de la mortalité. Il peut continuer à muter et engendrer sur les bovins les mêmes problèmes que sur les ovins. La France ne peut pas se permettre de prendre le risque de perdre 20 % de son cheptel bovin. »

David Duperray, président du Groupement de défense sanitaire (GDS) de la Loire.

Pourquoi encouragez-vous à vacciner les bovins et les ovins contre la FCO sérotypes 4, 8 et 3 ?

DD : « Tout éleveur, vétérinaire ou négociant doit arrêter de penser que la FCO est uniquement une maladie commerciale. Elle a un réel impact sanitaire, avec des cas cliniques. Le seul moyen d’éviter la même catastrophe sur les bovins que chez les ovins est de vacciner. Plus les éleveurs vaccineront tôt, mieux ce sera. Au regard de ce qu’il s’est passé en 2023, on pourrait avoir des cas jusqu’à la fin de l’année, avec des vagues selon les conditions climatiques : si les températures augmentent, les moucherons vecteurs de la maladie seront plus actifs et les cas de FCO seront plus nombreux. Je peux comprendre que certains éleveurs ne veulent pas vacciner maintenant et préfèrent attendre que les animaux soient rentrés dans les bâtiments pour le faire. L’objectif est qu’à la mise à l’herbe tous les bovins et ovins le soient. Agir cet hiver, c’est préparer la campagne 2025. Jusqu’à présent, les caprins n’étaient pas concernés par la FCO. Plusieurs cas sont désormais recensés. Pour l’instant, il n’existe pas de vaccin pour eux. J’estime que l’enjeu de la vaccination est double : protéger les animaux pour éviter une catastrophe sanitaire, mais aussi ouvrir des portes pour l’exportation. »

Pourquoi la vaccination est-elle un enjeu pour l’exportation des animaux ?

DD : « Ne pas avoir vacciné contre la FCO ces dernières années coûte cher en raison des analyses PCR pratiquées pour exporter. Certes, la vaccination a un coût, mais elle protège les animaux et peut ouvrir des marchés à l’export. Les autorités françaises discutent actuellement avec l’Italie et l’Espagne pour tenter de faire évoluer la réglementation relative au commerce d’animaux vivants. Avec une vaccination massive en France, nous pouvons espérer un allègement des règles commerciales, comme par exemple ne plus être obligés de pratiquer une analyse PCR. De plus, même si la France exporte uniquement 25 % des jeunes veaux laitiers, si ceux-ci ne peuvent pas être vendus à l’étranger, c’est toute la filière française qui risque d’être déstabilisée. »


Toutes les informations en lien avec la FCO et la MHE sont à retrouver ici


Quels vaccins faut-il utiliser ?

DD : « Le vaccin pour le sérotype 8 est à la charge de l’éleveur. Pour le sérotype 3, deux vaccins pour les bovins sont pris en charge par l’Etat depuis plusieurs semaines. L’objectif est de proposer un moyen de lutte contre la maladie. Cette démarche est la preuve que nos dirigeants avaient conscience que la FCO était dangereuse. Dernièrement, c’est un autre vaccin qui a été certifié pour l’export, mais il n’est pas pris en charge par l’Etat. L’éleveur doit le payer et le vétérinaire doit réaliser l’injection. Quant au vaccin ovin contre la FCO 3, il ne faut pas hésiter, il faut utiliser celui pris en charge par l’Etat car cette espèce n’est pas concernée par l’exportation des animaux.

Les éleveurs bovins qui n’ont pas encore vacciné doivent se poser la bonne question : est-ce opportun d’utiliser le vaccin certifiant ou pas, même s’il est payant ? Je pense que cela peut être intéressant en élevage laitier car il pourrait servir pour exporter les veaux. C’est un moyen de se préparer à une évolution des règles. En élevage allaitant, pour protéger le cheptel souche, il faut utiliser le vaccin pris en charge. En 2025, il est possible que les broutards doivent être vaccinés pour être exportés, donc il faudra recourir au certifiant. Chacun doit se tenir prêt. »

Quel est le rôle du GDS dans cette crise sanitaire ?

DD : « Je tiens à rétablir la vérité. Au cours de l’été 2023, le GDS de la Loire a informé ses adhérents par mail de la situation vécue par les éleveurs aveyronnais. Nous avions conseillé d’entreprendre une démarche de vaccination. Je respecte tout à fait les éleveurs qui ne l’ont pas fait car ils pensaient que la FCO n’arriveraient pas jusque chez eux. Finalement, en août 2024, ce que nous avions craint est arrivé. Le GDS, la Chambre d’agriculture et la DDPP (Direction départementale de la protection des populations) ont décidé d’agir vite. Nous avons organisé une réunion à destination des toutes les organisations professionnelles d’élevage du département, des syndicats, des établissements de formation et des vétérinaires. Il manquait très peu de monde. Toutes les personnes présentes ont unanimement acté d’inciter les éleveurs à la vaccination. Mi-septembre, nous avons jugé bon d’aller sur le terrain pour échanger avec les éleveurs et avoir leur ressenti. Nous avons eu la confirmation que la FCO faisait des dégâts dans les cheptels, mais aussi sur le moral des éleveurs. Je ne peux pas laisser dire que le GDS n’a pas prévenu les éleveurs et n’a rien fait. Le rôle des OPA et des syndicats est de soutenir le GDS et d’informer les éleveurs au sein de leur réseau plutôt que de critiquer. Nous devons tous aller dans le même sens pour sauver le cheptel et accompagner les éleveurs. »

Les réunions hebdomadaires de crise sont-elles toujours d’actualité ?

DD : « Oui, chaque semaine, le préfet tient une réunion de crise avec des représentants de la Chambre d’agriculture, du GDS, de la MSA, de la DDPP et de la DDT. Sa présence en personne est la preuve qu’il a pris le dossier en main. L’objectif de ces réunions est de faire le point sur la situation et de faire remonter les inquiétudes et les revendications. Je tenais aussi à signaler que le laboratoire d’analyses a mis les moyens pour que les délais ne continuent pas à s’allonger. La société d’équarrissage s’est également organisée pour faire face à la collecte des cadavres en forte croissance et éviter les délais trop longs. »

Comment vous projetez-vous sur 2025 ?

DD : « Un élevage qui a été épargné jusqu’à présent n’est pas à l’abri d’un passage de FCO avant l’hiver et en 2025. Au regard de ce qu’il s’est passé dans d’autres départements en 2023 et 2024, on peut imaginer que les éleveurs qui auront vacciné cet automne ou cet hiver ne seront pas impactés en 2025. Nous pensons que nous avons une année de décalage par rapport à un département comme l’Aveyron. L’impact dans les troupeaux ligériens en 2025 sera en fonction de ce que les éleveurs auront décidé au sujet de la vaccination aujourd’hui. Eux et les vétérinaires ont la clé de la solution pour éviter une catastrophe. Au vu des problèmes dans les élevages, je pense qu’il est trop tôt pour dire que nous devons vivre avec ces maladies. Le risque de perdre beaucoup d’animaux est trop important. La MHE fait également des dégâts dans les élevages. Elle approche de la Loire et nous devons nous y préparer. »

Propos recueillis par Lucie Grolleau Frécon