Législatives
Loire : les futurs députés face aux revendications des agriculteurs

Mardi 18 juin, à Saint-Laurent-la-Conche, seuls deux partis politiques – Les Républicains (LR) et le Rassemblement national (RN) – ont répondu à l’invitation de la FDSEA et des Jeunes agriculteurs lancée à l’ensemble des candidats aux élections législatives. Cette rencontre visait à mettre en lumière les priorités du monde agricole.

Loire : les futurs députés face aux revendications des agriculteurs
Les représentants des syndicats agricoles majoritaires ont exposé leurs revendications aux candidats en vue des Législatives prochaines. Ils ont prévenu : le travail se fera avec eux ou ne se fera pas. ©AP

Mardi 18 juin, rendez-vous était donné aux candidats aux élections législatives sur l’exploitation d’Hervé Bouard, à Saint-Laurent-la-Conche, à l’appel des syndicats agricoles FDSEA-JA, à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par le président de la République dimanche 9 juin. S’appuyant sur un document préparé en amont, les responsables FDSEA-JA ont exprimé leurs principales revendications aux candidats présents, devant une assistance composée de plusieurs membres du bureau des deux syndicats, des responsables de sections et de commissions, des présidents cantonaux, ainsi que d'agriculteurs locaux. Celles-ci étaient réparties en trois grandes thématiques : juste rémunération, véritable simplification et regain de dignité. Parmi une liste de 27 mesures, voici un florilège de celles sur lesquelles les différents représentants se sont arrêtés.

·      Fiscalité : redevenir compétitif

« Tout ce que l’on a obtenu au niveau fiscal va dépendre du vote du projet de loi de finances, qui se fera lorsque les personnes aux commandes du gouvernement le décideront », évoquait Jean-Luc Perrin, président de la FDSEA. La question de la fiscalité est au cœur des préoccupations des syndicats agricoles, dans une volonté d’être compétitifs par rapport aux autres producteurs européens et mondiaux.  Parmi les mesures dans l’attente d’être adoptées, malgré le flou politique actuel, la sécurisation de la taxation réduite du Gasoil non routier (GNR) et autres énergies, l’allégement de l’impôt de production représenté par la Taxe sur le foncier non bâti (TFNB) ou encore le renforcement de l’attractivité de la Déduction pour épargne de précaution (DEP).

·      Egalim : renforcer les dispositifs

« Egalim est un très bon outil, sauf que l’on a vu qu’il était quand même assez perfectible », soulignait Maxime Brun, secrétaire général de la FDSEA et responsable de la section bovins viande. Cette loi doit obligatoirement intégrer les indicateurs interprofessionnels dans les contrats, et ce de manière prépondérante dans la formule de prix. Aussi, les industriels doivent impérativement négocier la Matière première agricole (MPA) et contractualiser.

Il revenait également sur l’importance de sanctuariser la MPA dans le circuit de la restauration hors domicile : « On vote une loi et le premier à ne pas l’appliquer, c’est le gouvernement. 50 % de produits locaux et bio, il faut absolument y arriver. » Parmi les autres points relatifs à la loi Egalim, Maxime Brun s’interrogeait sur le seuil de revente à perte +10 (SRP10), « un super outil censé ruisseler jusqu’aux exploitations. Pourtant, il est resté bloqué dans la grande distribution ». Il rebondissait sur la nécessité d’encadrement des promotions, alors qu’il est « insupportable pour les agriculteurs de voir “1 produit acheté = 1 produit offert”. On y tient pour que le consommateur comprenne que l’alimentation a un prix. La loi Egalim est très importante pour nous, on veillera à ce qu’elle soit revue ».

·      Étiquetage obligatoire sur l’origine des produits

Vice-président de JA Loire, Etienne Murat alertait sur le besoin de stopper à tout prix la fausse information sur les sigles français. « Le drapeau français ne peut pas être utilisé à tort et à travers. » Il rappelait aussi qu’il est crucial de maintenir le budget alloué aux repas de la restauration collective et de soutenir l’alimentation française.

·      Alléger les charges en matière d’emploi

Alléger les charges pour faire face à la concurrence ? Pour Jean-Luc Perrin, cette volonté découle de la pérennisation du dispositif TO-DE (exonération des charges sur les salariés saisonniers, NDLR). « Pour une raison de compétitivité et pour faire face à la concurrence, c’est un dispositif hyper important. Il faut augmenter son plafond de 1,20 à 1,25 Smic. »


Lire aussi : Une nouvelle version TO-DE appliquée dès le 1er mai


·      Agrivoltaïsme

Le président de la FDSEA s’engageait ensuite sur le terrain des énergies renouvelables, qui permettent d’obtenir un revenu autre que celui issu de la production agricole. Il appelait toutefois à la vigilance : « Priorité à la production agricole, car notre vocation est de nourrir la population. » Il regrettait, en outre, l’arrêt du développement du nucléaire depuis 2012, une énergie « moins chère et décarbonée que l’on veut aujourd’hui remettre en route. Mais cela ne se fait pas en un claquement de doigts. »

Partisan du développement des énergies renouvelables, Jean-Luc Perrin invitait toutefois à s’y mettre avec parcimonie et posait plusieurs conditions concernant les deux types d’agrivoltaisme : pour les panneaux au sol, interdiction d’en placer sur les terrains agricoles ; pour l’agriphotovoltaïsme, une réelle production agricole doit exister sous ces panneaux. « Il faut définir un cadre et ne pas faire n’importe quoi ! », lançait-il. 

·      Carbone et services environnementaux

Valentin Perret, membre du bureau JA et responsable de la commission formation, déplorait une profession agricole décriée en matière de pollution, « alors que nous sommes la seule capable de capter le carbone et de réduire son effet ». Il regrettait que celle-ci n’ait une meilleure image aux yeux des Français. « Cela devrait aussi aider les agriculteurs en matière de trésorerie car ils devraient être rémunérés pour le service rendu au pays. »

 

·      Un budget à la hauteur en matière de Politique agricole commune (Pac)

« On ne peut pas se passer de la Pac. À la FDSEA et JA, nous sommes profondément européens », affirmait Jean-Luc Perrin, lequel souhaite une Pac forte permettant de gérer les marchés, mais moins environnementale, en ce sens que chaque fois que celle-ci subit une réforme, « on met du vert en plus et de la production en moins ». Le responsable professionnel aspire à attribuer un budget à la hauteur et ce à destination des « véritables agriculteurs ». Sans oublier de rappeler que les versements promis par la PAC doivent arriver.


Lire aussi : Yannick Fialip : « La mobilisation FNSEA-JA a contribué à desserrer l'étau de la Pac »


·      Stockage de l’eau

« On est sur une année assez atypique pour parler de stockage de l’eau », lançait François Garrivier, vice-président de la FDSEA. Il invitait à réfléchir sur « les millions de mètres cube vus passer à Grangent et à Villerest, partis ensuite à Saint-Nazaire, alors que dans quelques mois, on va peut-être pleurer cette eau ». S’il rappelle à bien des égards que cette ressource est un bien commun qu’il faut partager, « les agriculteurs qui irriguent le font pour assurer la production de biens alimentaires et le revenu dans leurs exploitations ». 

·      Des alternatives aux produits phytosanitaires

Le président de JA Loire, Matthieu Vassel, fustigeait les nombreuses interdictions en matière de phytosanitaires, sans que ne soient trouvées des solutions alternatives à leur usage : « Nous voulons que l’on fasse confiance aux agriculteurs aujourd’hui : les jeunes sont tous formés, ils savent utiliser les produits. Et puis on ne fait pas n’importe quoi, il y a des règles et des normes que l’on respecte et que l’on maitrise. »

·      Simplifier et sécuriser les projets agricoles

Nombreux sont les projets agricoles qui devraient être simplifiés et sécurisés. Pour Maxime Brun, « arrêtons la surtransposition à la française : on a des normes européennes, que l’on s’y tienne ! ». Il invitait à faire en sorte de reconnaitre la spécificité des projets agricoles en ICPE (Installation classée pour la protection de l’environnement) par des procédures et des prescriptions adaptées : « C’est ce que nous a vendu l’État en mettant l’agriculture prioritaire, au même niveau que l’environnement ». Quant à la démarche de simplification, essentielle selon lui, elle fait appel au bon sens : « Simplifier, c’est aussi ne pas avoir à remplir 50 fois les mêmes documents. Cela freine beaucoup les agriculteurs. » 

·      Installation et transmission / droit à l’essai

C’est de notoriété publique, le département de la Loire installe beaucoup de jeunes (entre 80 et 90 par an). Pour Etienne Murat, il est primordial de soutenir cette dynamique, car ils ont besoin d’avoir une visibilité sur l’avenir. Il faut aussi alléger la fiscalité pour que la transmission des ainés soit plus facile. Par ailleurs, le vice-président de JA Loire sensibilise au droit à l’essai : « Quand un jeune arrive sur une exploitation qui n’est pas la sienne, il faut qu’il ait le temps de se former, d’essayer, de comprendre et de voir si cela lui convient. »  


Vous aimez Paysans de la Loire ? Offrez un abonnement


·      Moderniser et protéger le foncier

Dans la Loire, la majorité des exploitations sont en grande partie en fermage. « Il faut à tout prix maintenir ce statut et peut-être le faire évoluer, de manière à ce que les propriétaires puissent mettre à bail leur terrain. Il ne faut pas que ce soit un frein. » Le responsable agricole rappelait que la FDSEA et les JA ont des sections spécialisées dans ce domaine. Avant d’ajouter : « Quand un jeune s’installe, la première chose qu’il regarde, c’est le foncier dans la durée. »

·      Reconnaître l’agriculture 

« Nous voulons de la dignité pour les agriculteurs », a martelé Jean-Luc Perrin, soutenu par Mathieu Vassel. Pour ce dernier, « en France, nous savons très bien produire et nous sommes fiers de notre agriculture ». Le président de JA Loire a dénoncé les clauses miroirs. Pour lui, elles sont « une honte. Chaque année, nous avons la chance d’envoyer des stagiaires au marché de Rungis dans le cadre du stage Ajir’Action et ils reviennent dégoûtés : les frigos sont pleins à 90 % de viande étrangère. C’est inacceptable ». Les deux présidents pourtant l’assurent : les agriculteurs sont prêts à relever tous les défis. « Nous avons montré ces 50 dernières années que nous savons nous adapter : quelle autre profession a connu de telles évolutions ? » 

·      Retraite : calcul sur les 25 meilleures années 

Gérard Auberger, ancien responsable laitier et président de la section des anciens exploitants de la FDSEA a apporté son soutien total aux actifs avant de préciser : « Nous voulons une revalorisation de nos retraites ! Nous sommes encore loin de la moyenne nationale. » Il soutient la réforme du calcul des retraites qui se base sur les 25 meilleures années et veut que tous les agriculteurs qui partiront le 1er avril 2026 en bénéficie.

·      Sanctions : introduire le droit à l’erreur 

« Les agriculteurs ne sont pas des délinquants ! » La phrase de Lionel Mas, vice-président de la FDSEA, est tombée, lourde de sens. L’exploitant demande, qu’en cas de contrôle, les agriculteurs puissent bénéficier de leur bonne foi. « Aujourd’hui, nous avons du mal à être informés. Par exemple, si on taille une haie le 16 août, on est dans les clous. Mais si c’est le 14, on est des bandits de grands chemins ! Lorsque nous sommes prévenus d’un contrôle, et alors que nous sommes de bonne foi, on l’appréhende », a-t-il déploré.

« Il est inadmissible de voir un agent de l’OFB débarquer armé sur nos exploitations ! Les agriculteurs ne sont pas des truands », a insisté le président de la FDSEA. 

·      Un dispositif « aide-relai »

Alors que les agriculteurs ont du mal à trouver un repreneur, le mal-être s’accentue. « Plutôt que de laisser l’exploitation péricliter, il faut mettre en place un dispositif d’aide-relai », a proposé Etienne Murat de JA. Ainsi, les exploitants en fin de carrière pourraient transmettre plus facilement leur entreprise, en contrepartie d’une allocation jusqu’à l’âge de départ en retraite. 

·      Changement climatique : développer un accompagnement 

La Loire, département d’élevage, fait immédiatement figure de mauvais élève lorsque le changement climatique est évoqué. Jean-Luc Perrin se révolte : « Tous les problèmes ne viennent pas des bovins. Nous, responsables syndicaux, essayons de trouver des solutions : on travaille avec des météorologues à un horizon 2040 afin de donner des outils pour préparer le changement climatique. Mais ne nous leurrons pas : il va falloir trouver un moyen de stocker l’eau. Elle tombera en même quantité, mais de façon moins régulière et les températures vont augmenter… » 

·      Former pour répondre aux besoins 

« Il faut former. » C’est le constat dressé par Valentin Perret de Jeunes agriculteurs. Alors qu’un agriculteur sur deux sera à la retraite en 2030, le renouvellement des générations est difficile. La question du revenu (lire plus haut) interroge, mais celle de la formation également. « Il faut former des salariés, mais surtout et en priorité, des chefs d’entreprise qui sachent tenir une comptabilité ou gérer une trésorerie », a expliqué l’agriculteur. 

·      Soutenir l’élevage 

« Venez voir dans nos exploitations ce qu’est l’élevage. » L’invitation de Mathieu Vassel fait sourire l’assemblée, il se veut plus sérieux. « Si tous les êtres humains étaient traités comme nous traitons nos bêtes, ce serait une belle avancée », laisse-t-il tomber. Le nouvel élu souligne les adaptations faites sur les bâtiments pour que les animaux supportent davantage les aléas climatiques ou la qualité de leur nourriture. Mais pour leur bien-être, il ne tergiverse pas et appuie une nouvelle fois sur la thématique de l’eau. « Quand les vaches partent, elles ne reviennent pas », assure-t-il. 

Son homologue de la FDSEA approuve : « Les ruminants sont les seuls à valoriser l’herbe… » 

·      Prédation 

Dans la Loire, le sanglier est l’animal qui cause le plus de dégâts dans les exploitations. « Juste à côté d’ici [Saint-Laurent-la-Conche, ndlr], sur 24 hectares semés, 18 ont été ravagés à 100 % », explique Jean-Luc Perrin. Si en 2024 cette problématique est structurelle, notamment liée à la hausse du fleuve Loire, elle se combine avec l’arrivée d’un autre ravageur, le cerf. Les agriculteurs exigent un plan de régulation pour se protéger de ces cervidés qui attaquent notamment les monts du Forez.

Le territoire est aussi une zone de passage du loup et sa présence a été constatée à plusieurs reprises ces derniers mois. « Nous avons un vrai problème de recrutement de louvetiers et de lieutenants de louvèterie alors que nous avons besoin d’eux, regrette Jean-Luc Perrin. Nous comptons sur les parlementaires pour nous aider dans cette lutte. Nos anciens avaient éradiqué le loup il y a 100 ans… Aujourd’hui, ils doivent se retourner dans leur tombe. »


 Lire aussi : Protéger les troupeaux d’une éventuelle prédation


·    Importations agricoles 

« Ces dix dernières années, la décroissance agricole a été marquée en France et en Europe, détaille François Garrivier, vice-président de la FDSEA. Concernant l’élevage, en 2030, on aura perdu un million de vaches en France, soit un quart du cheptel. Ce sera autant de perte de revenus. Et sans revenus, pas de renouvellement des générations. » 

Si l’éleveur salue l’impact positif que peut avoir la mondialisation pour l’élevage français qui exporte un million de bêtes en Italie et compte désormais sur les pays du Maghreb comme futurs partenaires, il reproche à l’Europe la non-réciprocité des normes et le « mirage » des clauses miroir. « Pour nous, c’est inacceptable : on n’importe pas ce qu’on n’a pas le droit de produire… » 

·      ‘’Farm to fork’’ 

Les syndicats majoritaires veulent replacer la souveraineté alimentaire au cœur des discussions politiques européennes. 

Axel Poulain / Alexandra Pacrot 

Candidats

Ils ont écouté les revendications

Ce mardi 18 juin, quelques candidats aux Législatives ont répondu à l’invitation de la FDSEA et de JA. Si le président de Jeunes agriculteurs, Mathieu Vassel a bien précisé que cette réunion n’était pas le lieu pour de houleux débats, les candidats présents ont tous regretté l’absence du parti présidentiel. Jean-Pierre Taite, candidat LR pour la 6è circonscription, ne cache pas son agacement quant au nouveau calendrier électoral. « Nous avions voté la LOA pour faire avancer les choses alors qu’elle n’est pas complète. Nous voulions continuer à travailler dessus à la rentrée. » L’ancien maire de Feurs a réassuré son complet soutien aux agriculteurs, avec qui a-t-il rappelé, « il travaille depuis de nombreuses années ». 

Son adversaire sur cette même circonscription, Grégoire Granger (RN) assure avoir pris bonne note des « grandes difficultés professionnelles », rencontrées par les agriculteurs ligériens. Il regrette que les motions de censure proposées par son groupe à l’Assemblée nationale lors du vote de la LOA aient été refusées : « Nous aurions pu changer les choses », affirme le candidat. Sur les questions du pouvoir d’achat, soulevées par François Garrivier, le candidat Rassemblement national se veut clair : « Le but, ce n’est pas d’amoindrir les revenus des producteurs mais de toucher aux intermédiaires, les centrales d’achats. » 

Gerbert Rambaud, candidat Debout la France / RN veut quant à lui remettre de la cohérence : « Au RN, quand on s’engage en local, on s’engage à l’identique au niveau européen ! Aujourd’hui, affirmer que le discours entre l’UE et la France est le même est un mensonge. »