Football
Trincamp, une histoire de l’AS Saint-Etienne

De nombreux supporters ont assisté au retour des Verts en Ligue 1, samedi dernier à Monaco et ce week-end à Geoffroy-Guichard. Il y en a qui portent le nouveau maillot, quand d’autres arborent d’anciens modèles, dont certains sont devenus collector. Le spécialiste du vintage lié à l’ASSE – mais pas que – se nomme Trincamp, boutique établie dans le centre-ville de Saint-Etienne. Visite guidée avec son créateur, Dorian Beaune.

Trincamp, une histoire de l’AS Saint-Etienne
Après avoir débuté sur internet, Dorian Beaune a ouvert la boutique Trincamp fin 2022. / © FT

Début juillet, l’AS Saint-Etienne (ASSE) a lancé en grandes pompes les nouvelles tenues que porteront ses joueurs cette saison pour le retour du club en Ligue 1. Le week-end prochain à Monaco et le suivant à Geoffroy-Guichard pour la réception du Havre, bien des supporters devraient arborer ce maillot confectionné par l’équipementier danois Hummel. D’autres privilégieront des modèles plus anciens, achetés à l’époque de leur commercialisation ou récemment. Comme la mode et le jeu vidéo avec le rétrogaming, le football a, en effet, craqué pour le vintage.

Si l’on peut trouver son bonheur sur des plates-formes en ligne grand public, la référence à Saint-Etienne se nomme Trincamp. Il suffit de faire un tour dans cette boutique située rue Pointe-Cadet pour s’en convaincre. Les maillots, fanions et autres produits dérivés qui habillent la pièce sont autant de tranches d’histoire du club fondé en 1933, qui représente l’essentiel des produits exposés. On aperçoit aussi des tenues d’autres équipes, un voyage qui emmène le visiteur à travers les décennies et au-delà de l’Hexagone. L’établissement promeut également la culture stéphanoise à travers ses propres collections, dont l’iconique t-shirt « Y’a du soleil et des crassiers ». Une volonté assumée de son créateur, Dorian Beaune, 35 ans.

Ce grand amateur de football a grandi à deux pas du centre sportif Robert-Herbin où il allait régulièrement voir les Verts à l’entraînement. Une fibre que le gaucher a développée balle au pied sous les couleurs de L’Étrat et en se rendant régulièrement dans les tribunes du “Chaudron”. « La fameuse demi-finale de Coupe de la Ligue contre Sochaux et le match du titre de champion de Ligue 2 contre Châteauroux (en 2004 également, NDLR), avec un tifo exceptionnel dans tout le stade et ce but incroyable de Damien Bridonneau, sont sans doute mes plus beaux souvenirs au stade », se souvient celui qui, le 2 juin dernier, a vécu le retour parmi l’élite au cœur du Peuple vert, place Jean-Jaurès.

Stéphane Pédron et la Divette de Montmartre

Sa passion verte, ce fan de Stéphane Pédron l’a savamment entretenue lors des années passées à travailler dans la capitale. Les jours de match, Dorian se rendait systématiquement à la Divette de Montmartre, bar devenu le repère des supporters des Verts jusqu’à sa fermeture l’an dernier : « J’y retrouvais l’esprit stéphanois et c’est sans doute ce qui m’a fait rester un peu plus longtemps à Paris alors que j’avais fait le tour et souhaitais me rapprocher de Saint-Étienne. »

À son retour ici, il a eu envie de créer quelque chose autour de Saint-Étienne et du football, lui qui avait accumulé beaucoup de maillots et vestes de l’ASSE, en particulier de l’époque où Casino en était le sponsor principal. « Il manquait une plate-forme ou les supporters puissent se retrouver, échanger, acheter et vendre », raconte Dorian. Il y a remédié avec trincamp.fr, site nommé en hommage à un film (lire l’encadré) et qui a pour slogan « Distributeur officiel du football de votre enfance ». « Je pense qu’il est toujours plus beau quand on est jeune parce qu’on le voit avec des yeux d’enfants et que c’est là que se fabriquent en général nos meilleurs souvenirs », estime-t-il. Deux boutiques éphémères ont suivi. Une révélation : « Ça a bien fonctionné. Après, je n’avais qu’une envie, faire ça à temps plein. Notamment pour rencontrer des personnes qui sont plus que des clients puisque nous sommes tous supporters avant tout. »


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Le test a été suffisamment concluant pour franchir le pas en novembre 2022 dans un contexte pourtant morose : relégué en Ligue 2, le club venait en plus de rater son début de championnat. L’évolution a été positive depuis et Dorian a vu une nette différence ces derniers mois. Match à guichets fermés après match à guichets fermés, il a senti l’engouement monter dans la dernière ligne droite du championnat avec de plus en plus de supporters venus de toute la France qui en ont profité pour enfin découvrir la boutique qu’ils connaissaient via son site internet jusque-là. La semaine, il reçoit essentiellement des locaux, tandis que les “expatriés” profitent de leur retour au bercail pendant les vacances pour y faire un tour. Poussent aussi parfois la porte des touristes étrangers venus de « pays où existe cette culture du maillot vintage ».

Brocantes, garages et dépôt-vente

S’il est d’abord approvisionné en parcourant les brocantes, notre homme surfe aussi sur les retombées médiatiques qui ont suivi le lancement de son établissement. « Cela a fait connaître Trincamp et, à Saint-Étienne, il y a encore beaucoup de choses qui trainent dans des garages, observe-t-il. De plus en plus de personnes viennent m’en proposer et je les leur rachète ou on les met en dépôt-vente. J’y tenais car je voulais que ce soit une boutique participative, même si je dois sélectionner. Le local est petit, je ne peux pas tout mettre. » Parmi ses dernières trouvailles, Dorian cite une tenue aux manches blanches signée Duarig. La particularité de cette pièce qui remontée à la première partie de saison 1984-1985 ? Elle est vierge de tout sponsor puisque Cake Rocher n’était arrivé qu’en cours d’exercice. Une spécificité qui devrait susciter l’intérêt lors de la prochaine vente aux enchères qui aura lieu cet automne.

Dans sa collection personnelle, deux maillots ont sa préférence : « Celui utilisé pendant la Coupe d’été 1986 avec ses rayures vertes et blanches, qui revient aux origines de l’ASSE et, donc, de Casino. Et le même, en rouge, couleur qu’on n’a pas mal vue à une époque, pour l’entraînement ou l’équipe réserve. » Il affectionne aussi ceux signés Puma ou Lotto et commercialisés du mitan des années 1980 à la fin de la décennie suivante qui arborent le logo Casino. « Ils ont très bien vieilli avec un côté mode, mais deviennent de plus en plus compliqués à trouver, constate-t-il. Si plein de supporters se ruent aujourd’hui sur le troisième maillot (celui de la saison 2023-2024 s’est énormément vendu, NDLR), il était inconcevable à l’époque d’en acheter un d’une couleur autre que verte. Certains, blancs, n’étaient peut-être même pas proposés à la vente, donc à moins d’avoir pu mettre la main sur ceux qu’ont porté des joueurs en match… »

La quête continue. Pour savoir si Dorian touchera au but, rendez-vous à la réouverture de Trincamp le 22 août. L’occasion de découvrir le nouveau t-shirt produit pour fêter la remontée en Ligue 1 et la bière à base de bourgeons de sapins produite en collaboration avec la Brasserie stéphanoise. L’association football-bière peut paraître clichée, mais elle aussi traverse le temps sans encombre.

Franck Talluto

Un nom inspiré d’un film

Quand il a démarré son activité, Dorian Beaune cherchait un nom sympa. Avec la volonté qu’il ne soit pas trop connoté football pour ne pas s’enfermer dans ce secteur et pouvoir éventuellement explorer d’autres horizons. Fan du film Coup de tête, sorti sur les écrans en 1979, notre homme aime « cet esprit de football de village » qui s’en dégage. D’où son choix de reprendre à son compte le patronyme de cette commune fictive du long métrage de Jean-Jacques Annaud. Une référence qui ne parle pas à tout le monde, s’amuse-t-il : « J’ai droit à toutes les prononciations, à l’américaine parfois. Mais non, Trincamp se dit comme on l’écrit. Avec l’accent stéphanois, c’est très bien ! »