Témoignages
Les éleveurs français racontent leur combat contre la FCO et la MHE
Le réseau des GDS (Groupement de défense sanitaire) a recueilli les témoignages de plusieurs éleveurs impactés à titre personnel par la FCO ou la MHE. Ils expliquent ce qu’ils vivent au quotidien (ou ont vécu) et se font le relais de la situation dans leur département.
La France est aujourd’hui séparée en différentes zones régulées ou non, avec des foyers des différentes maladies qui sont réparties sur le territoire : FCO-3 (Fièvre catarrhale ovine sérotype 3), MHE (Maladie hémorragique épizootique) ou encore FCO sérotype 8. Le point commun entre les éleveurs de ces différentes régions est qu’ils sont tous concernés par la difficulté de la gestion de ces maladies vectorielles au jour le jour.
La FCO-3 de plein fouet dans les Ardennes
Des dizaines d’exploitations ardennaises sont touchées par la FCO-3, chez les éleveurs d’ovins comme de bovins. Les symptômes rapportés sont multiples et les répercussions économiques catastrophiques. Comme redouté, les élevages de moutons connaissent une mortalité élevée chez toutes les classes d’âge, qui fait suite à une dégradation de l’état général induite par des symptômes sévères, rapporte le GDS 08. Les animaux survivant à l’infection nécessiteront de longues semaines de convalescence pour retrouver une santé correcte. Dans les cheptels bovins, de multiples avortements et d’importantes baisses de production, parmi les symptômes notés, sont à l’origine de sérieuses pertes pour les éleveurs.
Au Gaec du Clos des Moines, où sont élevés ovins et bovins, touché depuis le début du mois d’août par la FCO-3, Olivier Duant témoigne : « Ce sont des dizaines de brebis qui sont malades. Nous faisons le tour des pâtures tous les jours pour rentrer les animaux touchés. Nous déplorons déjà une vingtaine de morts. Ce sont plusieurs heures par jour qui sont nécessaires pour surveiller et soigner nos moutons individuellement. Aucun traitement ne semble vraiment fonctionner, nous ne savons plus quoi faire. » L’éleveur rapporte également de nombreux avortements parmi ses brebis, qui se répercuteront à la fois sur le revenu lié à la vente d’agneaux de boucherie, mais aussi sur le renouvellement de la troupe. Rien ne garantit que les brebis affaiblies par la maladie puissent de nouveau se reproduire.
Au Gaec Ferme de Crecy, M. Soudant, éleveur de vaches laitières, constate également de sévères conséquences, avec des vêlages prématurés, une inflammation des mamelles, une baisse de la lactation.
La FCO-8 déjà en 2023 en Aveyron
Les éleveurs aveyronnais ont été concernés de façon importante par le sérotype 8 de la FCO dès 2023. Bernard Lacombe, éleveur de 650 brebis laitières dans l’Aveyron (zone Roquefort) et président du GDS du département, apporte son témoignage : « Il y a un peu plus d’un an, 5-6 brebis ne mangeaient plus et avaient les pattes et le cou enflés. Le vétérinaire a prescrit trois jours d’antiinflammatoires et, malgré ça, une brebis a été perdue. » Assez rapidement, l’éleveur a rentré ses brebis en bergerie une bonne partie de la journée, mais sans désinsectisation à outrance.
A l’échelle du département de l’Aveyron, les éleveurs de brebis laitières ont été moins impactés que les éleveurs ovins viande. Une surmortalité de 50 % des brebis a été constatée.
Le troupeau de M. Lacombe (adultes et jeunes) a été vacciné contre la FCO-8, « au plus vite, malgré le stade de gestation précoce, et ce, en pleine circulation virale ». Contrairement à ce qui été craint, pour ce qui concerne son élevage, « il n’y a pas eu de souci ». A l’échelle de département d’Aveyron, les centres d’Insémination et les unités de sélection ont rapporté avoir observé un problème de prolificité, mais pas d’avantage d’avortements.
En juin et juillet 2024, plus de 60 % des troupeaux ovins laitiers ont été vaccinés contre la FCO-8 en Aveyron. A fin septembre, il n’y a pas encore de cas connus de FCO-8. Aussi, Bernard Lacombe incite vivement les éleveurs de la Loire à vacciner au plus vite.
L’impact de la MHE dans les Pyrénées
Le 19 septembre 2023, le premier foyer de MHE était officiellement déclaré en France. À partir du 20 septembre, Pierre Burgan, et sa compagne Pascale, éleveurs de 60 mères en race Blonde d'Aquitaine dans les Hautes-Pyrénées, se mettent à surveiller matin, midi et soir les animaux sur les recommandations de leurs vétérinaires (ces derniers sont également vétérinaires du premier foyer). Cinq jours plus tard, ils découvrent leur première vache avec le mufle « violet » qui marchait « comme sur des aiguilles » sur les quatre membres.
Au retour du Sommet de l’élevage, la situation s'emballe. « Tous les jours, on découvrait une ou deux bêtes malades, et on les surveillait trois fois par jour. En moyenne, ça a été 30 à 40 % de temps passé en plus à la surveillance, sans compter le temps dédié aux soins. » À cela il faut rajouter quinze avortements. Les conséquences sur la reproduction ont également été importantes, puisqu'au 20 décembre, 22 vaches étaient vides. Sur la campagne qui a suivi, la performance des veaux a également été impactée : des veaux nés quelques jours avant le terme de vaches sans colostrum ou des colostrums de mauvaise qualité, le GMQ moyen était de 400 g alors que d'habitude l'élevage tourne autour de 1,7 kg, des veaux positifs difficilement vendables. « Avec le recul, on s'est aperçu que les vaches se sont taries durant l'été. Les veaux au mois d'août se sont mis à consommer plus d'aliment du jour au lendemain. »
La perte financière est importante, de l'ordre de 50 000 € (vaches improductives, fœtus momifiés, taureaux stériles à remplacer par de l'insémination artificielle, broutards consommant plus d'aliment, frais vétérinaires, échographies plus régulières.
Les éleveurs avouent que « moralement, ça a été très dur ».
D’après le GDS 08, 16 et 79