Syndicats
Elections Chambre d’agriculture : un débat qui a tenu ses promesses
Les dirigeants des quatre principaux syndicats agricoles ont été invités à débattre, le 13 janvier, sur La Chaîne Parlementaire-Assemblée nationale (LCP) dans le cadre des élections Chambre d’agriculture. Un débat de bonne tenue dans lequel chacune des parties prenantes a finalement campé sur ses positions.
C’est un débat tout à fait inédit qu’a organisé La Chaîne Parlementaire-Assemblée nationale (LCP) en réunissant les syndicats agricoles pour qu’ils présentent leurs programmes dans le cadre des élections aux Chambres d’agriculture. A l’image des grands shows politiques avant les échéances électorales (présidentielles, législatives, européennes, …), c’est sur un plateau (très épuré) qu’ont été réunis, Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, Pierrick Horel, président de Jeunes agriculteurs (JA), Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale (CR) et enfin Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne (Conf’).
Comme pour les débats politiques, chaque syndicat a eu droit à un temps de parole bien déterminé : 24 mn pour la FNSEA et Jeunes agriculteurs (12 mn chacun puisqu’ils font liste commune), 18 minutes pour la Coordination rurale et autant pour la Confédération paysanne. Autour de trois journalistes, Myriam Encaoua, Charlotte Murat et Patrice Moyon, les responsables agricoles ont débattu autour de quatre thèmes : « Le libre-échange jusqu’où ? » ; le revenu (« Vivre de l’agriculture ? ») ; « L’écologie : stop ou encore ? » et enfin « Quelle agriculture demain ? ». Sur la forme, le débat s’est révélé courtois et posé, avec de temps en temps quelques échanges un peu plus vifs, mais toujours dans le respect de l’adversaire.
Production harmonisée
Tous les syndicats se sont retrouvés dans leur opposition au Mercosur, à des degrés divers cependant. Laurence Marandola a estimé nécessaire « de mettre fin à tous les accords de libre-échange, car on peut très bien commercer sans eux », a-t-elle indiqué. Elle a été rejointe sur cette approche par Véronique Le Floc’h, qui a milité pour « exclure l’agriculture de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) » et la mise en place d’une « exception agriculturelle ».
La FNSEA et JA se sont aussi opposés au Mercosur en l’état parce qu’il n’existe aucune clause miroir, aucune traçabilité, aucun respect des Accords de Paris sur le climat et parce que « l’agriculture ne doit pas être systématiquement la variable d’ajustement de ces traités », ont indiqué Arnaud Rousseau et Pierrick Horel. « Il faut une Europe plus souveraine et avoir en Europe des moyens de production harmonisés », a ajouté le président des JA quand Arnaud Rousseau soutenait l’ambition de « développer les outils industriels et de dégager des visions de filières pour renforcer la compétitivité de l’agriculture française et la souveraineté alimentaire ».
Pour tout savoir sur la campagne départementale des réseaux FDSEA et JA pour l'élection à la Chambre d'agriculture, cliquer ici.
« Pas d’économie administrée »
Sur la question du revenu, les divergences ont été assez marquées quant aux moyens d’y parvenir. Si chacun s’accorde à reconnaître les imperfections des lois Egalim, la FNSEA et JA rappellent toutefois qu’elles ont permis de mettre plus de pression sur l’aval des filières notamment sur les distributeurs. Pour aller plus loin et dégager plus de revenus pour les agriculteurs, la CR préconise la mise en place d’un bouclier énergétique spécifique pour les exploitations et l’exonération totale de la taxe sur le foncier non bâti. De son côté, la Conf’ entend instaurer des prix minimum garantis, autrement dit des prix planchers. « Cela ne fonctionne pas », a rétorqué Arnaud Rousseau, qui ne veut pas entendre parler « d’économie administrée ».
Interrogés sur la Pac et sa réforme, chacun a fait connaître son point de vue. Dans les grandes lignes, la Conf’ a plaidé pour « une meilleure redistribution » et une « aide à l’actif », la CR a regretté qu’elle soit de moins en moins commune et a estimé que l’aide à l’actif était « dangereuse ». Pas hostile au débat sur cette aide, Arnaud Rousseau a jugé qu’il ne fallait « pas être naïf, car les agriculteurs de l’Est, qui espèrent rentrer dans l’Europe, sont plus nombreux que nous ». Autrement dit, une aide à l’actif déstabiliserait les rapports de force entre Etats communautaires et la répartition des aides Pac.
Coup de grâce
Sur le thème de l’écologie, la FNSEA et JA souhaitent « une pause sur les normes » et s’opposent « à l’écologie politique punitive. On n’en veut pas. On préfère une écologie pragmatique », a affirmé Arnaud Rousseau, ajoutant que les « impasses techniques apportent la paupérisation et les importations ». Dans ce domaine, Véronique Le Floc’h souhaite pour sa part conserver sa rentabilité économique à l’agriculture, une position finalement proche de celle des syndicats majoritaires.
Concernant l’avenir et le renouvellement des générations, Pierre Horel estime nécessaire de simplifier le parcours d’installation, avec la mise en place d’un guichet unique tel qu’il est prévu dans le projet de loi d’orientation agricole, qui devrait être examiné après le vote du budget prévu à la mi-février. Arnaud Rousseau a d’ailleurs regretté la censure du 4 décembre, qui a « privé les agriculteurs de 450 millions d’euros de mesures fiscales qui concernent les retraites, les TO-DE, la Dotation pour épargne de précaution (DEP)…. Ce budget c’est une urgence pour nos exploitations », a-t-il martelé. Pour la Conf’, la priorité est de revoir les règles de la répartition des terres « qui vont toujours à l’agrandissement ».
L’accès aux moyens de production, en particulier à l’eau, a vu le débat s’animer un peu plus en fin de séance. La FNSEA et JA, comme la CR, sont favorables à la mise en place de réserves quand Laurence Marandola est restée très en retrait sur le sujet. Evoquant les projets de réserves de substitution de Charlas et de Montbel, dans le Sud de la France, Arnaud Rousseau a posé plusieurs fois la question à la porte-parole : « Alors on les fait ou pas ? ». Celle-ci, très gênée, n’a pu que balbutier une réponse incompréhensible.
Comme une forme de coup de grâce, Arnaud Rousseau a conclu en disant que s’il avait bien vu le programme de la Conf’, il n’avait toujours pas pu retrouver celui de la CR.
Christophe Soulard