Conférence
« Sans eau, pas d’agriculture »

Ce mardi 9 janvier, le Crédit agricole Loire / Haute-Loire organisait la conférence Agr’eau 2050, animée par l’agroclimatologue Serge Zaka. Le scientifique a rappelé que la ressource, soumise à de nombreuses pressions, a de plus en plus besoin d’être protégée et encadrée. 

« Sans eau, pas d’agriculture »
Suite à la conférence de Serge Zaka, Chantal Brosse, Raymond Vial, Cyril Chavagnon et Régis Sanial ont animé une table ronde. ©AP

Les agriculteurs en ont conscience : ils peuvent travailler sans engrais, sans produits phytosanitaires. Mais ils ne pourront pas se passer d’eau. « Sans eau, pas d’agriculture. » Une phrase lancée par l’intervenant de la conférence, le docteur en agroclimatologie, Serge Zaka. Et les agriculteurs, venus très nombreux assister à l’événement Agr’Eau, organisé par le Crédit agricole Loire Haute-Loire, approuvent : la sécheresse historique de 2022 est dans toutes les mémoires. « C’est l’année la plus chaude jamais mesurée à Saint-Étienne, avec + 1,75°C  d’augmentation sur les températures moyennes », précise l’expert, données chiffrées à l’appui. 


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Sur cette même année, il a manqué 21 % de précipitations sur le département, entraînant en cascade une baisse des rendements de 20 %. « Les plus mauvais depuis les années 80 en maïs », ajoute Serge Zaka. Le fourrage avait quant à lui enregistré une perte de 40 % de production. « Quand on se projette en 2050 grâce aux prévisions du Giec, on s’aperçoit qu’à cette époque-là, 2022 sera considérée comme une année normale... » L’agroclimatologue rebondit aussitôt : « Il faut transformer l’agriculture, et il existe de nombreuses solutions. » 

« Utiliser moins d’eau et à meilleur escient »

L’une d’entre elle fait la particularité de la Loire : le canal du Forez. « Il faudra le garder à l’avenir », prédit le scientifique. Ce qui est bien au programme. Chantal Brosse, vice-présidente du Département en charge de l’agriculture le confirme. « Avec le canal, les anciens ont été visionnaires. Lors des années sèches, on peut approvisionner la plaine en eau. » Un peu plus de 6 000 hectares peuvent être irrigués grâce aux 36 millions de mètres cubes que draine l’ouvrage. Avant les évolutions de 1960, le canal charriait 89 millions de mètres cubes d’eau qui étaient utilisés pour environ 2 000 hectares. « Aujourd’hui, les agriculteurs ne déclenchent pas l’irrigation au doigt mouillé. La Chambre d’agriculture délivre un bulletin qui le leur permet. C’est un travail très intéressant pour économiser l’eau », détaille l’élue, ancienne agricultrice. 

La zone située en fin du canal avait une grosse demande quant à la ressource. « On avait des problèmes pour la faire arriver au bout. Aussi a-t-on décidé de créer la réserve de Villeroy (Champdieu) en 2017. Avant la construction de cette réserve, on relarguait beaucoup d’eau. Désormais, elle est stockée. » Des travaux sont en cours sur la station de pompage de Montverdun, située jusqu’alors en-dessous du canal. « Il faut utiliser moins d’eau et à meilleur escient », résume Chantal Brosse. 

« Il faut pouvoir stocker l’eau »

Le stockage de l’eau est au cœur des préoccupations des agriculteurs présents dans la salle. Lors de sa conférence, le docteur Zaka explique qu’il tombera autant d’eau en 2100 qu’aujourd’hui. « Ce sont les précipitations dans les saisons qui évoluent, pas leur quantité. Dans la région, on aura plus d’eau en hiver et moins l’été. Or, en agriculture, c’est à ce moment-là qu’on cultive. » Jean-Luc Perrin, président de la FDSEA Loire, s’inquiète : « Cette eau, il va falloir pouvoir la stocker. Aujourd’hui, dès que nous lançons un projet, il est bloqué par l’administration... »


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Serge Zaka reprend la parole : « Sur les retenues d’eau, le débat est toujours binaire alors qu’il est difficile d’en faire une généralité et on ne retient plus les complexités scientifiques. » Pour l’expert, le stockage de l’eau est « inévitable », mais dépend du projet lié. « Il faut signer un contrat d’objectifs avec la création de nouvelles filières adaptées au réchauffement climatique afin de consommer moins d’eau. » 

Biodiversité

Raymond Vial, président de la Chambre d’agriculture de la Loire, s’empare à son tour de la question et fait remonter des souvenirs d’adolescence. « Mon père a créé une retenue collinaire en 1977. J’avais quatorze ans et je n’avais jamais vu de canard sauvage ou de poule d’eau. Souvent, quand on parle de ces réserves, on oublie de dire la richesse qu’elles apportent en termes de biodiversité. Les chevreuils, les biches, les sangliers etc. viennent s’y abreuver. Le message est clair, mais nous avons du mal à nous faire entendre. »

Gérard Gallot, vice-président de la Chambre d’agriculture, abonde. « On a besoin d’avancer sur ces problématiques. Dans les villes, on utilise beaucoup l’eau de forage, accentuant ainsi l’assèchement des sols. Si rien n’est fait, ça va empirer. Le dossier des mégabassines de Sainte-Soline n’a pas aidé. Au Sénégal, il ne pleut que trois mois sur douze, 1 000 millimètres, et pourtant, ils produisent toute l’année... »

Alexandra Pacrot