Viticulture
Le vin à l’épreuve du changement climatique

Face au contexte climatique de plus en plus difficile pour les producteurs de vin, l’Inrae, Bordeaux Sciences Agro, le CNRS, l’université de Bordeaux et l’université de Bourgogne ont analysé les évolutions à venir dans les régions viticoles actuelles et émergentes, à l’échelle mondiale, dans une étude publiée en mars 2024.

Le vin à l’épreuve du changement climatique
Les producteurs pourront faire face aux changements climatiques, à condition que la hausse des températures n’excède pas 2 %. ©C.Grilhé

Si le réchauffement climatique dépasse les 2 % d’ici la fin du XXIe siècle, 90 % des régions viticoles côtières et de basse altitude du sud de l’Europe et de la Californie pourraient ne plus avoir la capacité de produire du vin de qualité, à des rendements économiquement soutenables. Pourtant, ce changement de climat profiterait à d’autres régions du monde, comme le nord de la France, la Colombie-Britannique (ouest du Canada), l’Oregon et Washington aux États-Unis, ou encore la Tasmanie en Australie. Il se pourrait même que l’on voit naître de nouvelles régions viticoles, en Belgique, aux Pays-Bas ou encore au Danemark.

Le raisin destiné à la vinification étant particulièrement sensible aux modifications climatiques (notamment aux chaleurs extrêmes et sécheresses), plusieurs régions viticoles observent déjà un impact sur leur production. Certains rendements s’affaiblissent, la qualité des vins est en baisse, c’est toute une géographie de la production viti-vinicole qui se module face au changement climatique.

Ainsi, les scientifiques ont dressé une cartographie mondiale de l’évolution des risques au sein des régions viticoles, afin de permettre de construire des stratégies d’adaptation.

Une perte de qualité globale

« Dans la plupart des vignobles, les vendanges commencent déjà deux à trois semaines plus tôt qu’il y a 40 ans, avec des impacts sur la composition des raisins et le style de vin produit », indique l’étude. Les régions viticoles sont situées à des latitudes moyennes, où il fait suffisamment chaud pour que le raisin mûrisse, et relativement sec pour limiter le risque de développement de maladie. C’est pourquoi une augmentation des températures impacte de manière directe le développement de la vigne et la maturation du raisin. L’augmentation des températures peut influencer les propriétés organoleptiques du vin, notamment son goût : perte d’acidité du raisin, augmentation du degré d’alcool, changement de profil aromatique…


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L’étude avance une plus grande vulnérabilité des vins issus de vignobles historiques, qui auront moins d’armes face au changement climatique. Les producteurs seront confrontés aux nouveaux ravageurs et nouvelles maladies émergeant sur les vignes. L’étude affirme qu’il sera encore possible d’y faire face à condition que la hausse des températures n’excède pas 2 %.

Préparer la filière au climat de demain

Si les chercheurs estiment que les vins auront inévitablement une tout autre identité gustative d’ici 2050, ils s’attachent à préparer l’ensemble de la filière au nouveau climat qui les guette. D’après l’étude, ils pourront s’adapter, notamment à l’aide de couples cépages/porte-greffe plus résistants à la sécheresse, ou grâce au changement de leurs pratiques culturales, afin de mieux préserver l’eau des sols. Plusieurs études en lien avec les acteurs de la filière viticole ont démontré l’intérêt de plus grands espacements entre les rangs ou d’aménagements anti-érosion. Toutes ces adaptations ne devront pas se faire au péril de la viabilité économique des exploitations, leur résultat dépendant également des conditions locales.

Charlotte Bayon