Dans un contexte de stagnation, l’Agriculture biologique (AB) ne vit pas ses meilleures heures. L’année 2024 ne s’annonce d’ailleurs pas des plus réjouissantes.
« Cela fait plus d’un an que nous avons des signes très inquiétants, et nous n’avons aucune raison de penser que la tendance va s’inverser », évoque Philippe Camburet, président de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab). Si les surfaces produites en Agriculture biologique (AB) ont baissé de 2 % en 2023 (source : Agence bio) - principalement en grandes cultures -, de nouveaux porteurs de projet s’engagent encore (+ 2 %). Toutefois, l’objectif de 18 % des surfaces nationales agricoles en bio à horizon 2027, qui figure dans le plan stratégique national pour la politique agricole commune, est loin d’être atteint. « L’agriculture biologique représente aujourd’hui 10,4 % de la surface agricole de la France. Au vu des chiffres actuels, cet engagement pris par les pouvoirs publics n’est pas atteignable. Les choix politiques ne sont pas au rendez-vous », regrette le président, évoquant notamment une agriculture cotée en bourse et tournée vers les exportations, au détriment d’une agriculture menée pour la santé des citoyens.
Les consommateurs tournent le dos au bio
Le recul des consommateurs inquiète davantage. « La consommation a chuté brutalement, mais elle peut aussi remonter, à condition de s’en donner les moyens ! », alerte-t-il. En 2023, la part des produits biologiques dans le panier des Français est passée sous la barre des 6 %. « Le premier levier à actionner est celui de la restauration collective où nous devrions être capables de passer de 9 à 20 % », poursuit le président. « En attendant, il en sera de la responsabilité des pouvoirs publics d’engager une nouvelle opération de soutien direct aux producteurs en AB. »
Philippe Camburet interpelle également le gouvernement sur l’affichage environnemental qui peine à arriver. « Les produits alimentaires devaient être concernés cette année. Nous avons besoin d’une règle stricte afin que les consommateurs reprennent le pouvoir et aient connaissance des différents labels. Aujourd’hui, l’agriculture biologique est la plus contrôlée et dispose d’un vrai cahier des charges, au contraire des labels HVE, zéro résidu, etc. »
Aura maintient le cap
Dans ce contexte pourtant compliqué, la région Aura continue de se démarquer comme étant la troisième région en nombre d’exploitations certifiées bio avec 8 348 fermes (chiffres 2023, FRAB AuRA). Un chiffre qui a évolué de + 2,5 % en un an grâce à l’installation de nouveaux producteurs, notamment dans les filières légumes et Ppam. « Le bio attire encore dans notre région. La Drôme est un département moteur depuis de nombreuses années, suivi par l’Ardèche et l’Isère. La tendance nouvelle provient du Puy-de-Dôme, qui enregistre la plus grosse augmentation en termes de nombre de fermes (+ 5 %) », explique Delphine Cornaton, chargée de mission Observatoire régional de l’agriculture biologique pour la fédération régionale (FRAB Aura).
« La situation de l’agriculture biologique en région reste mitigée, avec des baisses de surfaces un peu partout », poursuit-elle. « Sur la partie aval, nous voyons arriver des signes positifs du marché. Depuis un an, la distribution spécialisée augmente (+ 7,42 % entre août 2023 et août 2024), alors que les grandes et moyennes surfaces (GMS) essaient de trouver une nouvelle stratégie pour rationaliser les gammes. Comme l’on sort d’un séisme, nous allons rester prudents et parler de convalescence », indique Adrien Petit, directeur du Cluster bio Aura. « On devrait revenir à des chiffres de 2019 (période d’avant Covid où le bio avait connu une folle ascension, + 20 %, NDLR), qui étaient plutôt positifs ». Si la région Aura figure toujours en tête en nombre d’entreprises de l’aval certifiés bio avec 3554 opérateurs, elle connaît une baisse du nombre d’entreprises certifiées depuis 2021 (- 3 % par rapport à 2022, Frab Aura). « Certaines GMS, qui cuisaient du pain bio dans leurs magasins, se sont décertifiées, au même titre que des boulangeries. Aussi, nous avons encore des entreprises en grande difficulté financière », stipule Adrien Petit.