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Saint-Rambert et le maraîchage : une histoire vieille de plus de 150 ans
Le musée des civilisations de Saint-Just-Saint-Rambert accueille depuis le 27 novembre une exposition dédiée au maraîchage, une activité historique pour la commune. Cette initiative s’appuie sur le travail de Lionel Ollier, qui a consacré une enquête à cette thématique, Les maraîchers de Saint-Rambert.
Le 27 novembre, le musée des civilisations Daniel-Pouget a accueilli un public nombreux pour le vernissage de l’exposition Le maraîchage, une culture locale. Élus, agriculteurs, maraîchers et habitants ont répondu présent à l’appel, fascinés par cette plongée dans l’histoire maraîchère de Saint-Just-Saint-Rambert. « Les uns et les autres, que serions-nous sans l’agriculture, sans le maraîchage ? A quoi ressemblerait le marché de la place Albert-Thomas à Saint-Étienne sans nos légumes pontrambertois ? Le maraîchage fait partie des valeurs intrinsèques de notre commune et on se demande pourquoi aller chercher loin quand on a tout au pied de chez nous ? Les fraises à Noël, c’est bien gentil, mais elles ne viennent pas de chez nous et cette exposition rend hommage au maraîchage ce qu’il a apporté à notre ville », s’enflamme Olivier Joly, maire de Saint-Just-Saint-Rambert.
L’activité autrefois prospère, s’adapte aujourd’hui aux nouveaux modes de consommation. Lionel Ollier, professeur d’italien et membre de l’association Mémoire et patrimoine, a consacré une enquête à ce sujet, Les maraîchers de Saint-Rambert1. S’il n’a pas directement créé l’exposition, sa collaboration avec le musée a été évidente.
Depuis son retour à Saint-Rambert en 2019, Lionel Ollier mène une enquête sur le maraîchage local. Bien qu’il ne soit pas issu d’une famille d’agriculteurs, il nourrit une passion pour l’histoire de sa ville natale. Son intérêt pour cette culture a commencé par une simple curiosité : « Tout le monde trouvait qu'il y avait beaucoup de maraîchers ici, alors je voulais savoir ce qu'il en était exactement. » Ce projet est devenu une démarche de préservation et de transmission de ce patrimoine agricole unique.
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L’histoire de la production de fruits et légumes à Saint-Rambert remonte au XIXe siècle avec l’arrivée du canal du Forez. Ce n’est qu’en 1878 qu’il a permis une irrigation complète du secteur (avec la création du réseau secondaire), favorisant le développement de ce type d’agriculture . En 1909, la commune comptait déjà 105 hectares de cultures, cultivées principalement à la main. L’essor de cette activité a conduit à la formation de la première coopérative maraîchère et à la construction de la Halle du marché. « Les maraîchers étaient nombreux et puissants », précise Lionel Ollier. À cette époque, les cultures rambertoises connaissent leur apogée, avec des familles de producteurs qui cultivent une grande variété de légumes sur de petites parcelles.
Mais la Première guerre mondiale marque un tournant, perturbant l’équilibre des exploitations agricoles. Après la guerre, les maraîchers se sont réorientés, travaillant davantage en polyculture avec notamment un peu d’élevage, avant de connaître un renouveau après la Seconde guerre mondiale grâce à l’arrivée du tracteur et au plan Marshall.
Les révolutions techniques du XXe siècle
L’après-guerre a vu la mécanisation du maraîchage local avec l’introduction du premier tracteur à Saint-Rambert en 1946, ce qui a bouleversé les méthodes de travail. « Cela a changé la manière de travailler la terre et a augmenté les rendements », explique Lionel Ollier. La mise en place des serres dans les années 1960 et 1970 a permis d’allonger la saison de culture et de diversifier les productions. À cette époque, la culture maraîchère était omniprésente à Saint-Rambert. Lionel se souvient : « Même ceux qui n’étaient pas officiellement agriculteurs produisaient des légumes. L’instituteur confiait trois cageots à un revendeur qui partait pour les marchés stéphanois ! »
Cependant, la modernisation de l’agriculture dans les années 1980, la rationalisation de la production et l’arrivée de la grande distribution ont bouleversé la donne. La normalisation des produits, les crises économiques et la montée de l’urbanisation ont progressivement réduit le nombre de producteurs locaux.
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Aujourd’hui, il ne reste que treize maraîchers actifs à Saint-Just-Saint-Rambert, contre 79 dans les années 1960. Parmi eux, deux grandes exploitations vendent principalement à des centrales d’achats, approvisionnant les grandes surfaces. Les onze autres continuent de vendre en circuit court sur les marchés locaux, notamment à Saint-Étienne, Veauche ou Feurs. La vente directe reste essentielle pour maintenir leur savoir-faire tout en répondant à une demande croissante pour des produits locaux et de qualité.
Si le nombre d’exploitations a diminué, l’engagement des producteurs pour préserver cette activité demeure fort. Ils sont déterminés à défendre ce modèle d’agriculture. « Nous avons la chance d’avoir des producteurs locaux qui offrent des légumes de qualité, très frais, explique Lionel. Ce modèle de proximité et de durabilité est à préserver. »
Une exposition vivante et un lien renforcé entre les acteurs du secteur
L’exposition Le maraîchage, une culture locale n’est pas seulement un regard sur l’histoire d’un secteur en mutation. Elle constitue un véritable point de rencontre pour les acteurs d’hier et d’aujourd’hui. Elle a permis aux maraîchers, anciens et actuels, de se retrouver, d’échanger et de redécouvrir l’importance de leur métier. « Ce travail a été très bien accueilli, car beaucoup d’entre eux n’ont pas souvent l’occasion de se retrouver, explique Lionel. Nous avons voulu valoriser leur métier. »
L’exposition ne se limite pas à un simple retour sur l’histoire du maraîchage, mais se projette également dans l’avenir. Le concept de « patrimoine vivant » est au cœur de l’exposition : l’histoire du maraîchage n’est pas terminée, « il faut que ça continue », insiste Lionel Ollier. Il plaide pour la préservation des terres agricoles et pour un avenir où l’urbanisation ne viendra pas étouffer ces espaces essentiels à la production locale.
Ainsi, Le maraîchage, une culture locale invite à redécouvrir une histoire vivante, qui, bien qu’en mutation, reste un modèle d’agriculture durable, ancré dans la volonté de produire localement et de manière responsable. Grâce à des initiatives comme celle de Lionel Ollier, l’histoire du maraîchage à Saint-Rambert continue d’être écrite, avec l’espoir que cette tradition perdure pour les générations futures.