Interview croisées

« La production doit revenir au centre des débats au niveau européen »

Selon vous quelles sont les raisons de la défiance des agriculteurs face à l’Europe ?

Nicolas Lenoir : « Un calendrier nous est imposé pour la déclaration de notre dossier Pac. Si nous ne le respectons pas, des pénalités nous sont imposées. Il doit en être de même lorsque les pouvoirs publics ne respectent pas le calendrier de paiement. Cela n’est pas encore le cas, ce qui a des conséquences pour les agriculteurs et ce qui renforce donc leur défiance envers l’Europe. »

Raoul Junet : « Alors que l’agriculture a besoin d’une politique européenne forte et ambitieuse dans un marché mondialisé, l’Europe d’aujourd’hui ne définit pas un cap clair pour l’avenir ! C’est une des raisons de la défiance des agriculteurs.  D’autre part, concernant le secteur agricole, les négociations sont peu transparentes et le ressenti des agriculteurs est que nous servons de monnaie d’échanges dans les discussions en faveur d’autres secteurs économiques. »

Nicolas Lenoir : « Cela ne signifie pas pour autant que nos réseaux FDSEA et JA Loire sont contre la PAC et l’Europe, qui représentent tout de même un soutien non négligeable pour les agriculteurs dans un contexte où le prix réel de vente des produits n’est pas encore à sa juste valeur au regard du coût de production. »

Quelles sont les actions de vos réseaux au niveau européen ?

Raoul Junet et Nicolas Lenoir : « La FNSEA est membre du Copa (1) et JA National est membre du Ceja (2). Par ces instances, nos réseaux sont très présents à Bruxelles pour expliquer aux parlementaires européens français nos positions. Beaucoup de choses se sont jouées dans la dernière ligne droite avant les votes, et c’est ainsi que nous avons pu remporter des victoires décisives sur la Pac ou sur les règlements du Green Deal. »

A découvrir : la position de la FDSEA et de Jeunes agriculteurs Loire vis-à-vis de l'Union européenne.

Qu’attendez-vous de l’Union européenne ?

Nicolas Lenoir : « Dans un contexte démographique qui ne fait qu’augmenter et une géopolitique instable, la production doit revenir au centre des débats au niveau européen aujourd’hui, car demain il sera trop tard. Nous autres, agriculteurs ne devons pas être que des façonneurs de paysage. Même si nous avons conscience du défi environnemental qui est devant nous, nous devons avoir une Europe ambitieuse. Cela signifie qu’elle doit nous accompagner dans le développement de la production, par exemple sur les nouvelles technologies et la recherche afin de répondre à la fois au défi du changement climatique, de la souveraineté alimentaire et du renouvellement des générations agricoles. »

Raoul Junet : « Nous demandons à l’Union européenne de ne pas importer l’agriculture que nous ne voulons pas sur notre sol. Pour cela, il faut une Europe plus protectrice et qui applique aux produits qui entrent sur son territoire des normes identiques à celles de l’UE. Par exemple, les éleveurs français sont contrôlés pour vérifier que des solutions médicamenteuses hormonées ne sont pas utilisées. Les autres pays doivent être en capacité de fournir leurs résultats s’ils veulent entrer sur le marché européen. Nous demandons la mise en place de clauses miroirs vis-à-vis des pays-tiers. L’Union européenne devrait aussi remettre à plat la Pac pour définir une nouvelle orientation vers une souveraineté agricole européenne et une vraie politique ayant pour objectif de maintenir les moyens de production. Au lieu de faire peser des contraintes environnementales sur l’agriculture, la PAC devrait rémunérer les services rendus par l’agriculture à la société. »

FDSEA et Jeunes agriculteurs Loire

(1) Copa : Comité des organisations professionnelles agricoles de l'Union européenne

(2) Ceja : Conseil européen des jeunes agriculteurs